Un groupe de scientifiques français du camp Saint-Laurent près d'In Amguel – Louis Bulidon et Raymond Sené –, dans un centre de culture du Hoggar en Algérie, vient de publier une tribune dans le quotidien le Monde dans laquelle ils attestent en avoir été témoins comme “scientifiques du contingent, que le 1er mai 1962, à la suite d'un essai nucléaire, code Beryl, sous la montagne du Tan Affela à In Ekker, la troupe, les civils et les populations locales présentes sur le terrain ont été lourdement irradiés et contaminés par les retombées de poussières radioactives. Mesurée dans notre laboratoire, la durée de passage du nuage radioactif, au plus fort de la contamination, a été de vingt minutes, période au cours de laquelle nos instruments de mesure ont été saturés par l'intensité du rayonnement des particules retenues sur nos filtres à air''. Et d'ajouter : ‘‘De plus, pendant les semaines, les mois suivant le tir Beryl non confiné, les militaires, y compris ceux qui n'étaient pas considérés comme étant en zone contrôlée, les populations locales, ont été l'objet de contaminations chroniques provenant des poussières chargées de produits radioactifs transportées par les fréquents vents de sable. Les relevés des mesures que nous effectuions régulièrement sur les filtres de contrôle atmosphérique pourraient en témoigner, dans la mesure où l'autorité militaire accepterait de permettre la levée du secret. Il est impensable que ces données techniques n'aient point été archivées. En cela, nous récusons les propos du ministre de la Défense, Hervé Morin, publiés dans le Parisien daté du 16 février 2010, selon lesquels "les doses reçues lors de ces essais étaient faibles", car totalement déconnectés de notre expérience vécue.'' Ces scientifiques témoins des essais nucléaires français dans le Sahara algérien déclarent qu'ils sont âgés de plus de 70 ans et que leur témoignage sera vraisemblablement l'un des derniers venant de soldats ayant vécu le désastre d'In Ekker en servant la France. Le 1er mai 1962 et dans les jours qui ont suivi, des centaines, voire peut-être plusieurs milliers d'individus, dont des femmes et des enfants algériens, ont reçu des doses radioactives très handicapantes, voire mortelles pour certains d'entre eux. Et de réclamer que la chape de plomb du secret-défense qui a ‘‘couvert cet accident nucléaire doit être levée car il s'agit d'une affaire d'Etat qui a touché Algériens et Français, victimes innocentes d'une raison d'Etat qui, près de cinquante ans après l'événement, n'a plus aucune justification. C'est au plus haut représentant de l'Etat, le président de la République, mais aussi aux deux représentations nationales algérienne et française, que nous faisons appel afin que soit établie, des deux côtés de la Méditerranée, la liste des personnes, civils et anciens militaires, qui ont été soumises aux retombées de l'explosion du 1er mai 1962''. Ils concluent en souhaitant que ‘‘la nation a le devoir de dresser, enfin, le bilan sanitaire des victimes en ouvrant au public ses archives civiles et militaires. Nous pensons que l'ancien président de la République, Jacques Chirac, ne peut rester insensible à un tel appel, par solidarité avec le contingent en Algérie auquel, en son temps, il a appartenu.''