Erigé en tabou depuis la fin de la crise de la dette des années 1990, le retour à l'endettement extérieur redevient désormais envisageable au vu de la raréfaction des sources de financement de l'économie. Conforté par la petite marge de manœuvre que lui permet encore le matelas même réduit des réserves de change officielles, le gouvernement continue à tergiverser autour de l'option d'un recours à des emprunts extérieurs, sans pour autant en écarter complètement la possibilité. Tout en marquant sa divergence envers les suggestions du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM), qui ont appelé récemment à recourir à l'endettement pour éviter un tassement de la croissance, le ministre des Finances, Hadji Baba Ammi, a clairement signifié, dimanche dernier, que l'option des emprunts externes n'est pas à l'ordre du jour, mais qu'elle pourrait tout de même être envisagée pour les projets futures des groupes Sonatrach et Sonelgaz, en particulier. A l'issue de sa participation aux réunions de printemps du FMI et de la BM, en début de semaine à Washington (Etats-Unis), le premier argentier du pays a en effet déclaré à l'APS que la politique actuelle du gouvernement consiste à «adapter le budget de l'Etat en fonction des ressources disponibles sur le marché sans recourir à l'endettement». Pour autant, a-t-il fait comprendre, l'autorisation accordée à Sonatrach et à Sonelgaz de lever des fonds à l'international pour financer leurs projets d'investissement «restait toujours valable». Dans l'état actuel de leurs finances, les deux groupes énergétiques, a assuré le ministre, parviennent à faire face par eux-mêmes aux besoins de financement de leurs vastes programmes d'investissement. Mais l'option d'un recours à des emprunts externes, a-t-il concédé, restait envisageable pour leurs projets futurs. Tout en soulignant que les autorisations éventuelles de financement à l'international seront étudiées au cas par cas par le gouvernement, Hadji Baba Ammi ne fait en définitive que rendre compte de la volonté des pouvoirs publics de surseoir autant que faire ce peut à l'option tant redoutée d'un retour à l'endettement extérieur. Pourtant, tel que le suggèrent nombre d'experts, mais aussi des institutions financières internationales, le recours à des emprunts extérieurs à des termes préférentiels devrait être dès à présent envisagé comme un outil complémentaire de financement de la croissance, au moment où les ressources disponibles en devises deviennent de plus en plus limitées. Etant donné le niveau relativement bas de la dette publique, recommandaient en mars dernier les experts du Fonds monétaire international, «l'Algérie pourrait se permettre d'engager un redressement un peu plus progressif des finances publiques que ne le prévoit son budget à moyen terme actuel». Pour ce faire, suggéraient-ils, les pouvoirs publics ont la possibilité de prendre en considération «une gamme plus large de sources de financement, dont notamment le recours à des financements extérieurs». Lever des fonds à l'international pour éviter d'étouffer la croissance et l'emploi peut constituer ainsi une option de financement judicieuse pour l'Algérie, tant que le niveau de sa dette et l'état de sa solvabilité extérieure peuvent encore lui permettre d'y négocier des emprunts à des conditions favorables. Sauf que la politique prudentielle érigée en dogme depuis plus d'une décennie et les craintes — du reste justifiées — d'une chute plus brutale des cours du pétrole semblent empêcher le gouvernement de concevoir toute idée qui risquerait de replonger le pays dans un nouveau cycle d'endettement et d'ajustement structurel subis. Une attitude prudente en somme, mais qui pourrait être sérieusement contrariée à terme par un épuisement fatal du matelas de devises, dont se prévaut encore le pays.