Après avoir fait face à une multitude de blocages, le projet du groupe agroalimentaire fait désormais face à un nouvel écueil : le port de Béjaïa refuse d'autoriser le déchargement de machines destinées à cette usine. Une première dans les annales de l'industrie algérienne. Pourtant, une fois achevée, l'usine permettra à l'Algérie de «s'autosuffire en matière d'huiles brutes qu'elle importe actuellement à 100%», affirme un cadre de Cevital. Si l'affaire est restée jusque-là sans explication malgré les déclarations de hauts responsables de l'Etat, dont Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet de la présidence de la République, des documents en notre possession montrent que l'entreprise portuaire de Béjaïa n'avait pas d'argument à présenter à Cevital pour arguer le refus. En effet, des correspondances échangées entre le directeur général de Cevital, Saïd Benikene, et la direction de l'entreprise portuaire de Béjaïa (EPB) posent de grandes interrogations. Alors que dès le début des échanges, l'EPB demandait, dans plusieurs de ses réponses, de «donner la nature exacte et la destination» de ces équipements, elle a fini par refuser toute discussion dès que ses revendications ont été satisfaites. Pourtant, chez Cevital et à force d'arguments, on explique que «ce n'est pas au port de demander à voir ce qu'il y a dans un bateau». Cette tâche revient donc aux services des Douanes. Puis, «de toute manière, ce sont les dockers du port qui déchargeront la marchandise. Ils vont tout voir. Il n'a absolument rien à cacher», indique une source très proche de la direction de Cevital. Qu'à cela ne tienne, le groupe de Issad Rebrab envoie, le 6 avril dernier, un document détaillé sur les machines à décharger. Plus que cela, la société a expliqué, dans la même correspondance, que «le choix du site dépend des autorisations» des autorités de la wilaya de Béjaïa. Dans les écrits de l'EPB, tous étrangement signés par le directeur général par intérim alors que le PDG est en poste, il est fait mention de «respect de l'autorité du port». Une réflexion que les responsables de Cevital n'ont pas compris. «C'est du n'importe quoi ! Nous réalisons 40, voire 50% du chiffre d'affaires du port de Béjaïa», rappelle un dirigeant de la société. Ces blocages ne sont pas sans conséquences sur les finances du groupe algérien. En plus des frais de retard, Cevital doit maintenant faire face aux dépenses de l'entreposage des équipements «stockés en Europe» en attendant une autorisation d'accès au port de Béjaïa. Et cela dure depuis le mois de janvier. La marchandise devant être déchargée le 26 mars est toujours en dehors du territoire national. L'étrange document de l'EPB Devant l'entêtement de la direction du port de Béjaïa, Cevital a déposé une plainte en référé. Le 27 mars dernier, le tribunal de Béjaïa a ordonné, par un jugement dont nous détenons une copie, à l'EPB de laisser Cevital décharger sa marchandise. La décision a même été notifiée par huissier de justice. La juge s'est appuyée sur des articles du code maritime qui sont tous en faveur de la société d'Issad Rebrab. Le jugement est définitif. Mais le lendemain, l'EPB introduit un recours et une autre juge annule la décision du tribunal de Béjaïa, sans argument juridique (document en notre possession). Si l'EPB n'a pas pu fournir d'argument, un document, dont nous détenons une copie, peut expliquer cette attitude. Dans une correspondance adressée le 21 novembre 2016 par EPB et qui fait référence à un document élaboré le 26 juin de la même année, il est demandé à Nashco (National Shipping Company), qui s'occupe du ravitaillement des navires, de ne pas débarquer «de colis appartenant au client Cevital» sans que cela ne fasse l'objet d'un «accord écrit au préalable de l'entreprise portuaire, avec précision du nombre de colis, leur nature, leur volume, le tonnage unitaire et la destination finale». Pis, le document demande à Nashco de «contacter les armateurs à l'effet de ne pas charger ces marchandises avant de disposer de l'accord, faute de quoi, les colis seront laissés à bord». Le document ne fait référence à aucune loi. Certains cadres de Cevital n'écartent pas le lien entre ce blocage et l'autorisation qui a été donnée à l'implantation d'une autre unité de trituration de graines oléagineuses à Jijel. Pourtant, «nous ne dérangeons personne !» indique un responsable du groupe.