"Seules les douanes sont habilitées à demander la destination de la marchandise, notamment les équipements destinés à l'investissement dans le cadre du dispositif Andi", explique un professionnel du transport maritime. En s'acharnant contre le groupe Cevital par l'empêchement du déchargement de ses conteneurs, le président-directeur général de l'Entreprise portuaire de Béjaïa (EPB), M. Achour Djelloul, continue à piétiner impunément les lois de la République et à outrepasser ses prérogatives, clairement définies par les dispositions du décret exécutif n°99-199 du 18 août 1999 fixant le statut type de l'autorité portuaire. En effet, selon M. Mohamed Kamel Guerroumi, un ancien transitaire qui a roulé sa bosse dans le domaine de la logistique et du transport maritime international de marchandises, le premier responsable de l'EPB a outrepassé ses missions dans ce conflit l'opposant à Cevital, tout en qualifiant sa décision de bloquer la cargaison de ce groupe privé de «mesure arbitraire». M. Guerroumi ne mâche pas ses mots en estimant que «M. Achour Djelloul s'est immiscé dans des affaires qui ne le concernent même pas !» Pour lui, le directeur du port n'a aucune prérogative pour vérifier si les équipements importés par Cevital ou autre ont eu l'autorisation ou non ! «Il n'a pas, tout de même, à savoir le lieu de la destination finale de la marchandise. Il a, par contre, le droit de savoir le nom du destinataire», a-t-il martelé avant d'enchaîner : «Il n'y a que les services des douanes qui sont habilités à demander le lieu de destination de la marchandise. C'est le cas, notamment, des équipements d'investissement importés dans le cadre du dispositif de l'Andi, étant donné que l'investisseur bénéficie d'avantages fiscaux...» À noter que notre interlocuteur fait référence à la correspondance adressée le 31 août dernier par M. Achour Djelloul aux différents directeurs généraux des compagnies maritimes (Cnan-Nord, Cnan-Med, MSC.A, CMA-CGM, Maersk et AMS), dont Liberté a obtenu une copie, à travers laquelle il tient à les informer que «la réception des équipements industriels conteneurisés pour le compte de Cevital, à destination du port de Béjaïa, est conditionnée impérativement par la clarté de son identification, sa nature et sa destination finale». Afin de faire avaler la couleuvre, le P-DG de l'EPB a tenu à souligner, dans sa missive, que «cette mesure particulière est édictée suite au refus des pouvoirs publics d'octroyer les autorisations y afférentes pour la réalisation de l'unité de trituration de la graine oléagineuse, dans les limites du domaine portuaire». Voilà un faux prétexte que met en avant, à chaque fois, M. Achour Djelloul pour tenter de se dédouaner de cette affaire de blocage délibéré. Et pourtant, tout le monde sait que le P-DG du groupe Cevital, M. Issad Rebrab, a tenu à informer officiellement l'autorité portuaire ainsi que l'opinion publique, à l'issue de ses rencontres avec les parlementaires de la wilaya de Béjaïa, toutes tendances confondues, de sa décision d'implanter son unité de trituration de la graine oléagineuse en dehors de son site industriel, sis au niveau du port de Béjaïa. C'est dire que M. Achour Djelloul est réellement à court d'arguments et que ses «allégations mensongères» visant à noyer le poisson ne tiennent plus la route. Un autre faux-fuyant créé de toutes pièces par le P-DG de l'EPB afin de camoufler son forfait, cette fameuse histoire d'autorisation à laquelle serait soumise toute opération d'importation d'équipements industriels. En effet, M. Achour Djelloul qui, visiblement, excelle dans la fuite en avant et le recours à la dérobade, évoque souvent, dans les médias, cette fameuse «autorisation exigée par les pouvoirs publics», sans pour autant préciser le nom de l'institution ou de l'autorité ayant requis cette autorisation, encore moins sa référence juridique. Il est clair que ce «justificatif» inventé par le directeur de l'EPB se veut être un moyen de blocage qui cible exclusivement le premier groupe privé en Algérie. Pour preuve, ni le ministère de l'Industrie et des Mines ni celui des Transports, dont relève l'EPB, n'ont daigné répondre à la lettre qui leur a été envoyée par Liberté, à l'effet de vérifier la véracité des déclarations faites à la presse par le directeur du port de Béjaïa, selon lesquelles l'importation d'équipements industriels serait soumise à une autorisation des pouvoirs publics. Par ailleurs, il convient de relever la réponse cinglante de la compagnie maritime CMA-CGM Algérie, adressée le 27 août passé à la filiale de l'EPB, Béjaïa Mediterranean Terminal (BMT) en l'occurrence, qui venait de lui signifier la décision prise par l'autorité portuaire de refuser le déchargement des conteneurs importés par la société Cevital. «Nous sommes très surpris d'apprendre, par le biais du commandant du navire Vega Hercules, le refus du débarquement des seize (16) conteneurs de Cevital. Nous vous prions de bien vouloir justifier ce refus afin d'informer le client et l'armateur. Nous n'avons pas d'autres choix que de vous tenir responsable des conséquences qui pourraient être liées à ce refus», écrivent les responsables de cette compagnie française spécialisée dans le transport maritime en conteneurs. La teneur de cette correspondance envoyée au directeur général de BMT en dit long sur la gravité de la violation des textes de loi en vigueur dont se sont rendu coupables certains responsables de l'EPB. À ce titre, M. Guerroumi persiste et signe qu'il y a bel et bien eu une violation des lois dans cette affaire de blocage des conteneurs de Cevital, citant notamment les dispositions contenues dans le décret exécutif n°02-01 de janvier 2002 fixant les règles générales d'exploitation et de la sécurité des ports. «À cela s'ajoutent les articles 149 et 150 de la nouvelle Constitution algérienne qui donnent clairement la priorité d'application aux textes législatifs et autres conventions internationales», a-t-il soutenu. KAMAL OUHNIA