Dans cet entretien, le président de l'Espace franco-algérien, Akli Mellouli, explique les raisons de la saisine de la justice pour le retrait de l'affiche du Front national pour la campagne des élections régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Cette association n'exclut pas d'ester le Front national pour « incitation à la haine raciale ». L'Espace franco-algérien a porté plainte contre le Front national pour incitation à la haine et à la xénophobie. Ce n'est pas la première fois que ce parti d'extrême droite utilise amalgames et propos insidieux à l'encontre de l'immigration maghrébine, plus particulièrement algérienne. Pourquoi cette plainte ? Nous avons saisi la justice pour que soient condamnés ceux qui portent atteinte à la dignité de millions de résidants algériens et de citoyens français et qu'elle montre qu'elle fait respecter le droit en condamnant tous ceux qui incitent à la haine raciale. L'Espace franco-algérien a décidé de recourir à la justice pour faire savoir à la société française dont nous faisons partie que nous n'acceptons plus ces amalgames qui nous renvoient à notre « extériorité », à notre « étrangéité ». Que nous n'accepterons plus d'être les boucs émissaires de politique en mal de sens ou en panne… c'est effectivement un signal fort que nous voulons donner. Dire qu'il est temps d'en finir avec ces préjugés et ces représentations qui veulent faire de nous des terroristes ou des envahisseurs en puissance. Et dire aux Algériens de France et aux Franco-Algériens, à tous ceux qui ont des origines diverses et à tous les acteurs pour l'égalité, la liberté et la fraternité, que nous devons être solidaires pour lutter contre ceux qui portent atteinte à la dignité ! D'autres organisations se sont-elles jointes à l'Espace franco-algérien ? Oui le MRAP, le CRAN, Au nom de la mémoire, le Collectif Devoir de mémoire, le CM98, la Fédération des travailleurs maghrébins de France... L'affiche du Front national ne découle-t-elle pas du débat sur l'identité nationale et des dérives qu'il a suscitées ? Et ce débat avait déjà pris corps lors de la loi du 23 février 2005. C'était clairement les enfants du FLN qui étaient visés en premier lieu… pour donner le sentiment que nous serions une cinquième colonne ici… L'instrumentalisation de l'immigration maghrébine, de l'Islam, vous apparaît-elle comme une stratégie électorale déjà utilisée ou alors assiste-t-on à une banalisation des amalgames préjudiciables aux Français et à l'immigration d'origine algérienne ? Très clairement oui. On voudrait même leur interdire toute référence à leurs origines… On a vu les réactions lors des matchs de l'Algérie ! Alors que ce sont les mêmes jeunes qui ont défilé avec les drapeaux français en 1998 ! Apparemment être d'origine algérienne ou brandir le drapeau algérien est vécu par certains comme une agression voire même comme un délit. Cette instrumentalisation ne risque-t-elle pas d'entraîner a contrario, et par réaction, le repli « communautaire » ? C'est ce que voudraient ceux qui instrumentalisent l'immigration algérienne pour donner corps à leur théorie, mais nous agissons pour que notre intérêt collectif se situe toujours dans le cadre de l'intérêt général. Il faut que nous réaffirmions notre engagement et notre attachement à notre pays d'accueil et aussi dire que nous sommes légitimement attachés à notre pays d'origine et que ce n'est pas incompatible… je suis un élu de la République française mais je suis aussi issu de… . C'est mon identité… je suis l'enfant des deux rives ! C'est une richesse et je veux que cette richesse puisse profiter aux deux rives ! Donc la réponse, nous devons l'apporter dans les urnes… c'est le vrai pouvoir démocratique et si nous sommes capables de nous mobiliser nous leur donnerons un signal clair et ils vont réfléchir à deux fois avant de vouloir faire de nous des boucs émissaires !!! Alors, il ne faut surtout pas nous enfermer sur nous-mêmes, ce qui s'apparenterait à une posture défensive et de protection, mais bien d'aller de l'avant en ne prenant rien que notre place… mais toute notre place dans la société. Nous devons nous mobiliser pour voter en masse… et être vigilants pour que plus jamais un enfant de l'Algérie ou originaire d'Algérie ne soit plus obligé de raser les murs pour exister en France.