Il est 21h12 au service de transfusion sanguine du CHU Mustapha Bacha, ouvert de 21h jusqu'à minuit (heure de prélèvement sanguin durant le mois de Ramadhan). Dès l'entrée, un agent de sécurité au visage «fermé» fait face aux éventuels donneurs. «Est-ce que je peux entrer monsieur ?» lui demande un jeune homme, la vingtaine. «C'est pour quoi ?» lui répond l'agent de sécurité de façon grincheuse. «Je viens pour une donation», lui rétorque le jeune homme. Ce dernier finit par rentrer. L'ambiance est électrique. Sur place, la salle est archi-comble. Une vingtaine de jeunes sont à l'intérieur. Ils attendent leur tour. Tous viennent donner un peu de sang. «Tous ces jeunes ici présents viennent pour faire don de leur sang !», m'affirme D. B. infirmière au Centre de transfusion sanguine. 21h30. Des voix s'élèvent. «Cela fait plus d'une heure qu'on attend pour passer au prélèvement. Je n'ai jamais vu un accueil aussi déplorable. Dans les pays qui se respectent, le donneur de sang reçoit un accueil digne de ce nom… une prise en charge totale», s'emporte un jeune homme. Prélèvements Un avis largement partagé par un autre jeune homme : «L'organisation au sein de ce service reste à désirer.» 21h43. Un trentenaire, muni d'un dossier médical, s'avance vers moi et me demande : «Un membre de ma famille à un manque de plaquettes. Il a besoin de sang. Pouvez-vous lui faire un don s'il vous plait ?» Surpris et un peu gêné, car je ne m'attendais pas à ce que quelqu'un vienne m'aborder, je lui réponds : «Je viens donner mon sang. Si ça peut aider quelqu'un, j'en serai ravi.» Il est 22h. La salle continue à se remplir. Un groupe d'amis discutent. A les voir, on dirait bien que c'est leur première fois. Je me mêle à la discussion et je demande : «Avez-vous l'habitude de donner du sang ?» «Non, pas si souvent !» répond l'un d'eux. Sa mère étant atteinte d'une insuffisance rénale, le jeune homme à ramené ses amis jusqu'à l'hôpital pour lui faire un don de sang. «Ils sont ravis de pouvoir l'aider», soutient-il. 22h20. Mon tour arrive enfin. Je passe d'abord par le cabinet de l'infirmière. Cette dernière me pose une multitude de questions afin de savoir si je suis apte à donner mon sang ou pas. «Quel est votre poids ? Etes vous diabétique ? Etes vous hypertendu ? Etes vous anémique ? ect.», me demande-t-elle en regardant l'écran du tensiomètre qu'elle m'a placé quelques secondes avant. A peine j'eu le temps de finir mes réponses qu'elle me lance : «Malheureusement monsieur, votre tension est faible. Vous ne pouvez donc pas faire de donation aujourd'hui.» Je ne passerai donc pas à la salle des prélèvements. Je sors de son cabinet… sonné. L'infirmière n'a pas eu de tact en me parlant. Elle m'a annoncé ma baisse de tension comme si on annonçait une tumeur au cerveau à un patient… 23h. Je finis par quitter les lieux. Je pars à la recherche des «clinomobiles», des centres de transfusion mobiles, mobilisés partout au niveau national, devant les mosquées durant la soirée. Centres mobiles Ces centres mobiles ont pour but de ménager l'effort des donneurs. Ces derniers n'auront plus à se déplacer jusqu'aux 217 centres fixes répartis sur territoire national. Je me dirige en premier lieu vers les deux mosquées de Belouizdad. Pas de centre de transfusion mobile à l'horizon ! 23h 25. Cap sur Hussein Dey. Sur place, même constat. Le lendemain, je me dirige vers le centre Ardis, habituellement, une clinomobile est stationnée là-bas. Mais sur place, elle n'y est pas. Pourtant, des clinomobiles sont sensées être mobilisées à l'échelle nationale. Bizarrement, je n'en ai pas croisé une seule. A cinq jours de la Journée mondiale du donneur de sang, la culture du don de sang n'est pas très implantée dans l'esprit de l'Algérien. N'empêche, elle commence à s'installer peu à peu. En effet, en 2016, l'Algérie a enregistré 557 001 dons sanguins à travers le pays, 69% d'entre eux sont issus de donneurs bénévoles, dont 24% réguliers et 45% occasionnels, cependant 31% des dons proviennent encore de donneurs de compensation. Par ailleurs, deux tiers des dons ont été recueillis au niveau des structures de transfusion sanguine fixes, et un tiers en collecte mobile. Il est à noter que le nombre de donations a augmenté de 3% par rapport à l'année 2015 (source ministère de la Santé). Et ce, d'une part grâce aux différents partenariats de l'Agence nationale de sang (ANS), et de la Fédération algérienne des donneurs de sang (FADS). Et d'autre part avec la collaboration des ministère de la Santé et des Affaires religieuses et des Wakfs, qui à chaque mois de Ramadhan initient plusieurs actions de solidarité, en l'occurrence l'opération de collecte de sang, en coordination avec les structures de transfusion sanguine au nombre de 16 à Alger sur les 217 centres répartis au niveau national, en mobilisant les 46 clinomobiles, dont 15 appartiennent à la FADS devant les grandes mosquées.