Ce n'est donc pas le début du procès», a indiqué une de ses avocates, Me Naïma Guellaf. Cette ultime étape de l'instruction avant le procès devrait se dérouler jusqu'au 27 juillet, selon la presse marocaine, qui cite un autre avocat, Me Abdessadak El Bouchattaoui. Le chef du hirak (La mouvance), nom donné localement à la contestation, au mouvement de protestation populaire dénonçant «l'Etat corrompu», fait face à de lourdes charges, notamment «atteinte à la sécurité intérieure». Depuis la mort d'un vendeur de poisson, broyé accidentellement dans une benne à ordures fin octobre à Al Hoceïma (nord), Nasser Zefzafi, chômeur de 39 ans, menait la fronde contre le makhzen (pouvoir) au nom de sa région natale du Rif. Pendant près de huit mois, la ville d'Al Hoceïma et la localité voisine d'Imzouren se sont transformées en âtres de manifestations pacifiques pour le développement d'une région historiquement frondeuse, qu'elles jugent marginalisée. La relance par l'Etat d'un vaste plan d'investissements et de chantiers d'infrastructures et des visites répétées de plusieurs ministres n'ont toutefois pas suffi à apaiser la colère. En mai, les forces de l'ordre ont renforcé leur présence dans la région et répriment les manifestants. Outre l'arrestation de Zefzafi, la totalité des leaders et figures connues du hirak sont interpellés. Les heurts se sont également multipliés, les policiers tentant tous les soirs d'empêcher ou de disperser les rassemblements de soutien à ces prisonniers. Le dernier bilan officiel fait état de 176 personnes placées en détention préventive. Des peines allant jusqu'à 20 mois de prison ont été déjà prononcées. «Libérez les détenus» Les manifestations ont cessé début juillet et la tension est retombée d'un cran avec le retrait des policiers de lieux publics emblématiques à Al Hoceïma et Imzouren, une mesure décidée par le roi Mohammed VI en signe d'apaisement. Mais le mouvement n'a toutefois pas totalement disparu, avec la poursuite d'attroupements improvisés de jeunes sur les plages, de concerts de casseroles ou de klaxons et une mobilisation qui perdure sur les réseaux sociaux. La «libération des détenus» est devenue le nouveau leitmotiv des protestataires, qui s'inquiètent en particulier du sort de Sylia Ziani, figure féminine du hirak, aujourd'hui en «dépression grave», selon ses avocats. Samedi, une manifestation de soutien à la jeune femme de quelques dizaines de personnes a été violemment dispersée à Rabat. Plusieurs personnalités de défense des droits de l'homme et des manifestantes ont été frappées par les policiers, selon des images qui ont fait le tour des médias locaux. Les autorités ont justifié leur intervention par le «refus d'obtempérer» des manifestants, ainsi que leur intention «préméditée de provoquer et d'agresser (…) les forces publiques». L'approche «sécuritaire» adoptée par les autorités reste très critiquée par les Organisations non gouvernementales (ONG) et la société civile, mais également une partie de la classe politique, qui rappelle le caractère «pacifique» du mouvement et ses revendications «économiques et sociales». Le débat fait toujours rage sur les suspicions de tortures et de mauvais traitements qu'auraient subis certains détenus, selon leurs proches. La semaine dernière, des fuites dans la presse d'un rapport du Conseil national des droits de l'homme (CNDH), un organisme officiel, ont été transmises à la justice. Ces expertises médicales ont été catégoriquement démenties par la police. Dimanche, un «comité des familles des détenus» a demandé l'ouverture d'une enquête sur ces allégations de mauvais traitements et a de nouveau appelé à la libération des détenus, en premier lieu de Sylia Ziani «dont l'état de santé s'est détérioré».