L'interrogatoire de fond par les juges des détenus du Hirak du Rif a débuté hier, notamment pour le leader du mouvement, Nasser Zefzafi, dont la condamnation pourrait constituer une option pour le roi de mettre fin à la contestation sociale dans cette région. La répression féroce et la procédure judiciaire contre les détenus du Hirak suivent leur cours en dépit de la poursuite des manifestations à Al Hoceïma et dans toute la région du Rif, ainsi que dans d'autres villes marocaines en signe de soutien à ce mouvement de contestation qui dure depuis 7 mois. C'est l'épée de Damoclès au-dessus de la tête des contestataires que pourraient utiliser comme monnaie d'échange les autorités marocaines dans le cadre d'un règlement de cette crise, d'autant plus que la revendication la plus importante des manifestants a toujours été la libération des détenus du Hirak. Selon les avocats des détenus du Hirak, la libération des détenus est le leitmotiv des protestataires qui s'inquiètent en particulier du sort de Sylia Ziani, une des figures emblématiques de la contestation rifaine. Il n'en demeure pas moins que la traduction de Nasser Zefzafi intervient au moment où les autorités marocaines multiplient les signaux en direction du mouvement de contestation du Rif, dont le retrait le 3 juillet des forces de police du centre-ville d'Al Hoceïma. Par ailleurs, la relance par le gouvernement marocain d'un vaste plan d'investissements et de chantiers d'infrastructures n'a toutefois pas suffi à apaiser la colère des Rifains. Dans des déclarations à Médias24, Me Mohammed Belaâli et Me Abdessadak Elbouchattaoui, respectivement coordinateur et membre du comité de défense des prisonniers du Hirak, ont indiqué que ce n'était pas le procès de Nasser Zefzafi et ses co-détenus qui s'est ouvert hier, mais plutôt leur interrogatoire de fond par le juge d'instruction. La dernière étape de la procédure judiciaire avant le procès s'est ouverte hier et se poursuivra jusqu'au 27 juillet. Selon la même source, chaque jour, un ou deux détenus seront interrogés. Ceci étant, Nasser Zefzafi, le leader du mouvement de contestation rifain, interpellé fin mai après avoir interrompu le prêche d'un imam dans sa ville d'Al Hoceima, fait face à de lourdes charges, notamment "atteinte à la sécurité de l'Etat". Ce seul chef d'inculpation est passible de la réclusion de 5 à 20 ans s'il a été suivi d'un acte commis ou commencé pour en préparer l'exécution, comme le stipule l'article 201 du code pénal marocain. Nasser Zefzafi est également sommé de s'expliquer au sujet d'un montant total équivalent à 318 euros de fonds qu'il aurait reçus ces derniers mois de l'extérieur du Maroc. Ceci étant, une source du comité de défense de Nasser Zefzafi, lui ayant rendu visite vendredi dernier, affirme que ce dernier souffre de dépression nerveuse du fond de sa cellule individuelle. Le montant modeste fait ironiser les avocats, pour un client qui cumule des chefs d'inculpation beaucoup plus graves, dont notamment "atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, violence avec préméditation, ou encore trouble à l'ordre public", etc. La défense estime qu'avec un peu de clémence, la condamnation pourrait se situer autour de 20 à 30 ans de prison ferme. Un dernier bilan officiel fait état de l'arrestation de 176 personnes, et que 120 autres sont en cours de jugement et encourent jusqu'à 20 mois de prison. Merzak Tigrine