A l'époque, la confrérie de Kenadsa avait collecté une grande partie des 3000 manuscrits de toutes les disciplines scientifiques de l'époque, à savoir les mathématiques, l'histoire, la littérature, le soufisme et le droit musulman. Mais l'invasion coloniale dans la région en 1903 a mis fin à cette collection marquée par le pillage et la destruction des manuscrits pour des raisons connues et avouées. Le contrôle de la zaouia par l'administration coloniale a été suivi par la déportation en Egypte du cheikh de la confrérie, Sidi Abderrahmane Laredj, peu après le déclenchement de la lutte de Libération nationale. C'est alors le début de l'amorce du déclin de la zaouia, qui va être suivi par la perte de son autorité morale et spirituelle. Durant cette période des années 1950, elle avait soutenu et accueilli, selon le témoignage de Abderrahmane Rabhi, membre de l'Association des Oulémas, des combattants nationalistes qui organisèrent des rencontres secrètes au sein de ce lieu spirituel. Mais aujourd'hui, la confrérie est secourue de son crépuscule par la fondation de la bibliothèque Khizana, fondée en 2006 par un groupe d'intellectuels de la région pleins de volonté, qui ont décidé de prendre la problématique culturelle dans ses multiples dimensions et de promouvoir la petite localité, qui a connu après l'indépendance un rayonnement en la matière. Celles et ceux qui s'intéressent à la culture, ne manquent aucune occasion pour évoquer avec fierté la cité minière qui a donné naissance à de prestigieux auteurs, à l'instar de Pierre Rabhi, Malika Mokadem, Mohamed Moulshoul alias Yasmina Khadra et le romancier et sociologue, Rabah Sebaâ, et aussi à des groupes musicaux, comme El Farda, de Kenadsa. Mais la nouvelle génération, majoritairement arabisée, ignore cependant cette littérature, qui n'a malheureusement pas été traduite en langue arabe. La reprise culturelle vient donc d'être rétablie par cette fondation à caractère culturel. La renommée de cette bibliothèque, implantée au cœur de la zaouia, prend davantage d'audience par des visites officielles et non officielles à l'occasion des fêtes nationales et religieuses sur ce lieu désormais considéré comme un des importants pôles de diffusion des manifestations culturelles et cultuelles dans la région. Des communications scientifiques de haut niveau, portant sur des thèmes variés, y sont dispensés par des professeurs universitaires et intellectuels retraités, devant un parterre de citoyens, associés aussi aux débats dans une atmosphère et des échanges d'idées empreints de convivialité, de sérénité et d'ouverture d'esprit. Tahiri Mébarek, gérant et ancien professeur au lycée de Béchar et descendant d'un des cheikhs de la zaouia, veille sur la préservation de plus de 300 anciens manuscrits d'une grande richesse. Certains de ces manuscrits ont été altérés par le temps, d'autres, par contre, sont bien conservés. Les espaces à l'intérieur desquels se déroulent les animations s'avèrent de plus en plus étroits pour contenir un important auditoire. Le gérant de la khizana a récemment opéré, sur sa propre propriété, mitoyenne avec la zaouia, des extensions pour une salle de lecture coranique et d'autres espaces réservés à des conférences. Chaque vendredi, la khizana organise dans la soirée des cycles de conférences animées par des professeurs. Mais dans un souci de préservation de la mémoire de l'oubli, un autre espace réservé à l'histoire de l'invasion coloniale de Béchar est situé à l'entrée de la bibliothèque, où des photographies des historiens orientalistes sont accrochées sur le mur des couloirs en pisé conduisant à la khizana. On y trouve aussi des photos de l'écrivaine française Lucie de la Rue Mardruss (1874-1945) qui avait écrit son célèbre livre Les Arabes, l'Orient que j'ai connu.