Dans une récente déclaration, le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements a plaidé pour l'utilisation des réserves de changes – placements arrivés à terme dans des projets d'investissement. Ce retrait des réserves de change est-il faisable ? Au niveau technique pur, l'opération est réalisable à quelques conditions près, qui concernent, par exemple, la maturité des placements et le niveau de leur rémunération, la structure des réserves de change dans les différentes monnaies et les placements de substitution ainsi que leur rendement, dans l'intervalle de l'engagement des fonds dans les projets d'investissement. Il est nécessaire de faire en sorte de ne pas payer de trop lourdes commissions de courtage de la mise en œuvre de l'opération et de ne pas perdre les menus intérêts qu'ils étaient censés nous rapporter, en cas de vente avant terme. La Banque d'Algérie est la seule compétente à cet endroit. Pensez-vous que ces placements réinjectés dans des projets locaux permettront réellement de booster les investissements dans notre pays ? La nature des investissements, que souhaite entreprendre le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, n'a pas été clairement définie et toute spéculation serait polémique tant que cette dernière n'est pas dévoilée. Cependant, nous pouvons affirmer, à titre préventif, que le volume d'investissements à injecter n'aura aucun impact sur la croissance et l'emploi, s'il ne s'inscrit pas dans une stratégie de développement économique et social, à moyen et long terme, concertée et partagée par une large majorité d'opérateurs économiques publics et privés. Toute démarche qui consisterait à faire transiter ces investissements par des appareils, sans ancrage réel dans notre tissu économique, revient à verser directement ces ressources financières additionnelles, dans l'économie rentière pour consolider des fortunes nationales et étrangères et alimenteront les prochains scandales de corruption. M. Temmar plaide pour le retrait des réserves de change au profit de l'investissement local alors que 1er ministre n'a jamais évoqué cette possibilité… Quel est votre commentaire ? Le retour aux affaires, in extremis et inattendu, de l'actuel Premier ministre, a contrarié la réorganisation de l'économie (nous en sommes à la 4e depuis les réformes de 1988) entamée par le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements (MIPI), qui a tiré un trait sur l'ancienne organisation, qu'il a lui-même initié et mis en œuvre à travers la création des Sociétés de gestion des participations (SGP), catégories juridiques quasi-uniques au monde ! En effet, les treize groupes industriels et les sociétés économiques de développement (SED), qui constituent le socle de cette réorganisation, devaient avoir une autonomie relative et une séparation vis-à-vis des ministères, pour pouvoir mettre en place la stratégie arrêtée. En déclarant que cette réorganisation « n'a jamais fait l'objet d'une adoption par le Conseil des ministres », le Premier ministre la bloque, car elle remet en cause son contrôle sur l'ensemble du secteur public et du secteur privé (à travers le financement des banques publiques). L'arbitrage entre ces deux visions antagoniques ne peut être que présidentiel, si jamais il voit le jour... Ce rapatriement des montants importants au profit de l'investissement augure-t-il d'une nouvelle orientation économique ? D'autre part, est-ce d'après vous, une manière de pallier le manque d'investissement direct étranger (IDE) ? Souvenez-vous du débat, des années passées, relatif à la création d'un fonds souverain et subséquemment de la proposition de Mlle Mentouri (alors ministre délégué à la Réforme bancaire) de création d'une banque publique d'investissement constituée par une partie des réserves de changes... Vous comprenez alors la reprise de cette proposition par le MIPI (alors qu'il s'était farouchement opposé à ce projet en Conseil interministériel) de rapatrier ces fonds pour les investir directement dans les pôles industriels qu'il souhaite créer, puisque les IDE ne semblent pas vouloir s'orienter hors du secteur des hydrocarbures. En fait, l'enjeu réel réside dans la capacité dans les clans du pouvoir à contrôler l'affectation de cette manne financière et dans la justification de la politique de la monétisation de nos ressources énergétiques non renouvelables, dans des proportions très supérieures à nos besoins du moment. Chaque clan entend se mettre sous la main un instrument financier qu'il contrôle comme le Fonds de compensation, le Fonds national d'investissement, les Fonds d'investissement locaux (prévus par la LFC 2009) et cette nouvelle proposition de rapatriement des réserves de changes placées à l'étranger.