De loin, il ressemble à une grosse ruche. Posé en haut d'une colline, à 261 mètres au-dessus du niveau de la mer, sur la route qui mène d'Alger à Cherchell, le mausolée royal de Maurétanie repose au cœur d'une verdure odorante. En cette matinée de février ensoleillée, sa pierre argileuse et rougeâtre se détache sur l'azur du ciel. Le calme environnant est à peine troublé par le chant des oiseaux. Il y a peu de visiteurs. Seuls quelques jeunes couples se promènent, se cachant des regards dans le dédale de fourrés alentours qui offre une vue superbe sur la mer. Une fois leur balade romantique terminée, ils iront prendre le soleil au café installé à la sortie du site. Laissant derrière eux ce monument colossal, classé patrimoine de l'humanité par l'Unesco. Véritable casse-tête historique pour les chercheurs, l'énorme cylindre à facettes, coiffé d'un cône à gradins, est impossible à dater. Les seuls éléments précis que possèdent les archéologues sont ses mesures géométriques impressionnantes : 185,50 m de circonférence, 60,90 m de diamètre, 32,40 m de hauteur et un volume dépassant les 80 000 mètres cubes. Il est orné, sur son pourtour, de 60 colonnes surmontées de chapiteaux ioniques. Quatre fausses portes de 6,90 m de hauteur, placées aux points cardinaux, portent des moulures saillantes qui font apparaître une croix. A cause de ce motif décoratif, le tombeau a été considéré comme un monument chrétien. « Il y a, au sud de Cherchell, la ville de Césarée, à l'ouest du petit fleuve Mazafran, sur une colline qui émerge, au matin des brumes roses de la Mitidja, une mystérieuse pyramide de pierre. Les gens du pays l'appellent le Tombeau de la Chrétienne », écrivait déjà l'écrivain français Pierre Benoît dans L'Atlantide (1919). Il semblerait bien, pourtant, que l'édifice n'ait rien à voir avec la religion chrétienne. Il est mentionné dans le texte d'un auteur romain, Pomponius Mela, daté des années 1940 après Jésus-Christ, époque où le royaume de Maurétanie est annexé par Rome. La thèse historique la plus fréquente attribue sa construction, vers les années 25 après Jésus-Christ, à Juba II et à sa femme Cléopâtre Séléné (fille d'Antoine et de la célèbre reine d'Egypte). Mais d'autres historiens lui donnent une date bien antérieure et le considèrent comme un mausolée tardif du Ve ou VIe siècle après Jésus-Christ. Le Kbour-er-Roumia, de son nom arabe, aurait en effet des influences puniques dans son style. Le tumulus a fait l'objet de toutes les supputations, de toutes les légendes... et de toutes les convoitises. Il aurait subi différentes violations dès l'Antiquité. Pensant y trouver un trésor, le pacha Salah Raïs a tenté de le démolir en 1555 et l'a même fait battre au canon, sans autre résultat que d'abîmer la fausse porte de l'Est. Les premières fouilles régulières sont effectuées par Adrien Berbrügger en 1865, à la demande de Napoléon III. L'inspecteur des monuments historiques découvre l'entrée du monument (aujourd'hui murée depuis la période du terrorisme) qui débouche sur un vestibule circulaire et trois caveaux... trouvés vides. Le mystère reste toujours entier.