Synopsis : « Kindil E Bahr » raconte l'histoire d'une vengeance, celle de Nfissa. Lors d'une sortie à la plage, cette jeune mère de famille est lynchée à mort par un groupe d'hommes, alors qu'elle se baignait seule au large. Personne ne semble avoir été témoin de sa disparition. Pourtant, peu après, sur cette même plage, tous les baigneurs meurent subitement. Votre film est-il féministe ? Adila Bendimred : Quand une femme commence à écrire, elle parle des femmes, donc d'elle. En général, les histoires de femmes dans le cinéma sont liées à l'oppression, vu la situation des femmes dans le monde. Très sincèrement, en écrivant ce film, je n'ai jamais pensé que c'était une histoire féministe. Pour moi, c'est d'abord une histoire qui m'intéresse très profondément, par rapport à mes peurs en tant que femme. Pour Damien, l'histoire l'interpelle en tant que homme. Donc, lorsque nous voyons des films qui parlent de femmes, nous ne parlons plus de film féministe mais plutôt de films écrits par des femmes ou par des hommes. Damien Ounouri : C'est simple, nous dirons que tous les films sont politiques même si l'histoire ne traite pas forcément un sujet politique. Par exemple, dans un film d'action, en plus de l'histoire traitée, nous voyons derrière, un décor, les rapports entres les gens (les hommes et les femmes, les individus et les institutions…). Donc, finalement, tout film est politique. Du moment que nous parlons d'une femme comme personnage principal, nous placerons d'abord cette femme dans son train-train quotidien. Ensuite, les questions autour de la femme seront posées. Je dirai, qu'avec « Kindil », ce n'est même pas, à la base, une volonté féministe. C'est, juste une volonté de suivre une femme. D'un autre côté, lorsque nous écrivons à deux avec Adila. Elle m'apporte le point de vue féminin, tandis que moi, je contribue avec mes idées d'homme. Inversement, Adila écrit sur les hommes et moi sur les femmes. En effet, écrire à deux nous permet à chacun d'entre nous d'apporter notre vécu d'être humain.
Vous avez recours au fantastique dans « Kindil El Bahr ». Nous n'avons pas l'habitude de voir ce genre dans le cinéma algérien. Damien Ounouri : Dans « Kindil », au moment où la femme disparaît, on pouvait opter pour le genre réaliste. Dans ce cas-là, il sera question d'un drame psychologique avec la famille qui cherche le corps. Toutefois, nous avons voulu aller plus loin et de pousser la réflexion, nous avons voulu apporter du fantastique et de la magie. Avec le cinéma, nous avons ce pouvoir-là, alors pourquoi s'en priver ? Adila Bendimred : Dans « Kindil », nous n'avons pas dit : « Allons faire un film de genre ». Nous avons commencé à évoquer cette histoire de métamorphose, parce que ça nous intéresse que le corps se métamorphose. Je pense que ce choix a été très excitant pour l'imaginaire. Du coup, faire revivre le personnage de Nfissa nous a permis de raconter des choses très profondes sur la peur. Le personnage de Nfissa a été arraché injustement à la vie. Pour moi, toutes les personnes assassinées hantent l'esprit de leurs assassins. C'est pourquoi nous avons pensé à la vengeance de Nfissa.
Donner le nom Césarée à la ville où se déroulent les événements et filmer dans une ancienne ville romaine en Algérie donnerait-il une dimension mythologique à votre court-métrage ? Damien Ounouri : Il s'agit d'une volonté de ne pas s'arrêter à l'Algérie d'aujourd'hui. C'est ainsi que nous sommes allés vers la fiction et le fantastique. Nous avons voulu donner une dimension historique et universelle à la violence contre la femme. C'est pourquoi nous avons choisi de donner le nom de Césarée à la ville où se déroulent les faits.