Les projets de loi relatifs à l'organisation judiciaire et au code civil étaient, hier, à l'ordre du jour des débats à l'Assemblée populaire nationale (APN). Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, a expliqué, lors de son intervention, que le premier texte de loi propose un réaménagement de l'organisation judiciaire qui se présente sous forme de deux ordres de juridiction : l'ordre judiciaire ordinaire comprenant le tribunal, la cour et la Cour suprême et l'ordre judiciaire administratif comprenant le tribunal administratif et le Conseil d'Etat. Ces deux ordres sont renforcés par le tribunal des conflits, de juridictions spécialisées et de pôles judiciaires spécialisés. Pour M. Belaïz, « notre pays a connu de grandes mutations qu'il est devenu impératif d'opérer la réorganisation du système judiciaire ». Concernant justement cette réorganisation, le ministre expliquera que les pôles judiciaires spécialisés comprennent des juges spécialisés et, le cas échéant, des assistants dont les conditions et modalités de désignation sont fixées par voie réglementaire. En revanche, expliquera le ministre, il peut être créé, auprès des tribunaux, deux pôles judiciaires spécialisés et à compétence territoriale étendue. Ces deux pôles sont dotés de moyens humains et matériels nécessaires pour leur fonctionnement. Le projet de loi relatif à l'organisation judiciaire est une loi organique qui sera soumise automatiquement au Conseil constitutionnel pour le contrôle de sa conformité avec la Constitution. Son adoption par les trois quarts des députés est impérative. Concernant le code civil, M. Belaïz a rappelé dans son intervention que les conditions politiques, économiques et sociales qui prévalaient lors de l'élaboration du code civil en 1975 ont connu des changements radicaux. La propriété individuelle, la liberté de l'initiative économique, l'ouverture sur le monde extérieur... sont devenues les principes de base de la société. Ces nouveaux facteurs économiques ont une conséquence directe sur la législation civile dès lors que c'est elle qui définit les personnes juridiques (notamment les personnes morales) et détermine leurs droits et obligations compte tenu des principes sur lesquels repose la société algérienne. Outre ces considérations internes à la société algérienne, il y a aussi, indiquera le ministre, des considérations d'ordre externe qui militent en faveur de la révision du code civil. Il s'agit plus précisément des progrès enregistrés dans les domaines scientifique et technologique et les mutations que connaît le monde. La révision du code civil a pris en compte plusieurs éléments, entre autres la lutte contre la fraude sous toutes ses formes. A cet effet, la loi d'autonomie dans les contrats internationaux sera écartée en cas de fraude (art. 18). Il n'y a plus de droit à restitution en cas de nullité du contrat pour cause illicite pour celui qui en est à l'origine (art. 103). Le maître d'ouvrage assume toute la responsabilité découlant de son abstention sans motif valable de réceptionner l'ouvrage (art. 558). Il a été également revu toutes les dispositions relatives aux conflits de lois, notamment celles portant sur les capitaux et leur circulation (art. 17, 17bis, 18 et 19). En matière de statut personnel et concernant les étrangers non musulmans résidant en Algérie, ce sont les lois de leur pays qui leur seront appliquées, et ce, dans les domaines du mariage, du divorce et de l'adoption. « Il a été retenu comme principe de se référer à la nationalité de la personne pour tout ce qui a trait à son statut personnel (art. 10 et suivants) et l'article 24 stipule que l'application de la loi étrangère compétente a été exclue si elle est contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs », a expliqué le ministre. Par ailleurs, lors des débats, les députés ont exprimé leurs préoccupations quant à la formation des magistrats, les moyens financiers pour l'application des réformes dans leur globalité et la nécessité de créer des cours et des tribunaux... Dans ses réponses, le ministre de la Justice a tenu, d'abord, à préciser que le nombre de magistrats, toutes catégories confondues, en Algérie ne dépasse pas 281. Pour remédier à ce déficit, il est prévu, pour la période 2005-2009, la formation de 1500 magistrats. Ce qui implique 300 magistrats par année. Au programme du département de la Justice figure également la construction de 16 cours et de 26 tribunaux. Toutefois, sur cette question, l'orateur a indiqué que son premier souci n'est pas de construire des infrastructures, mais plutôt de rattraper les retards accusés par ce secteur. Par ailleurs, le ministre a tenu à rassurer les élus en mettant fin aux spéculations soutenant qu'il n'existe que 4 ou 5 affaires administratives datant de 2003. « Toutes les affaires introduites en 2003 ont été traitées. Celles qui sont en cours de traitement remontent au dernier trimestre 2004. Personnellement, j'ai donné instruction aux magistrats d'accélérer la procédure tout en respectant bien sûr la loi. A cet effet, j'ai exigé, concernant toutes les affaires, que les reports doivent être limités à cinq et que leur durée ne doit pas dépasser les six mois », dira M. Belaïz. Dans la foulée, le ministre de la Justice n'a pas nié qu'il peut exister des magistrats corrompus et malhonnêtes, mais le citoyen n'a pas le droit de généraliser, car nombreux sont les magistrats qui font leur travail à la perfection et qui se sont sacrifiés pour l'Algérie. Il rappellera que 47 magistrats ont été assassinés durant la période noire qu'a connue l'Algérie. Le ministre annoncera qu'une conférence nationale sur la réforme de la justice se tiendra les 28 et 29 mars et il aura à présenter le bilan de cinq ans, alors que M. Belaïz n'est à la tête de ce département que depuis... quinze mois.