Espagne De notre correspondant Jeudi matin, l'ex-vice-président du gouvernement catalan, Oriol Junqueras, leader de la gauche républicaine indépendantiste (ERC), a été entendu par la Cour suprême à Madrid, concernant sa remise en liberté. L'ancien vice-président catalan reste en détention provisoire, où il est depuis le 2 novembre dernier dans le cadre de son implication dans le référendum non autorisé du 1er octobre et la déclaration d'indépendance du 27 octobre dernier. Cette situation a conduit le pouvoir central espagnol à mettre la Catalogne sous tutelle et à convoquer des élections régionales anticipées pour le 21 décembre, au terme desquelles les indépendantistes ont obtenu la majorité des sièges au Parlement régional catalan. Oriol Junqueras avait été avec plusieurs autres anciens ministres catalans mis en détention pour les mêmes raisons. Carmena Lamela, la juge de l'Audience nationale, avait ordonné leur placement en prison préventive en raison du risque de récidive, de fuite et de destruction de preuves. A ce titre, les trois magistrats composant la chambre d'appel de la Cour, saisis contre la décision de placement en détention prise par le juge en charge de l'affaire, ont décidé à l'unanimité de confirmer son ordonnance. Pour se défendre, le leader de la gauche républicaine d'ERC avait expliqué devant les juges qu'il était «un homme de paix» et qu'il cherchait le dialogue. Ces arguments n'ont pas suffi à convaincre pour sa remise en liberté. Même si la Cour se défend de tout procès politique, soulignant que le fait d'être indépendantiste «est légitime, puisque la Constitution admet la défense de n'importe quelle position politique», la décision des trois juges de la Cour suprême n'est pas sans conséquences politiques : les indépendantistes jouissent de la majorité absolue en sièges au nouveau Parlement, avec 70 députés sur 135. Le Parlement catalan doit se constituer avant le 17 janvier mais, 8 députés ne peuvent pas siéger pour l'instant, car ils sont soit en fuite en Belgique, soit en prison. Certains devront ainsi se résoudre à laisser leur siège à des membres de leurs formations «vierges» de poursuites judiciaires pour permettre au bloc indépendantiste de conserver le seuil de 68 députés qui lui garantit la majorité . Aujourd'hui, seuls Oriol Junqueras, l'ancien ministre de l'Intérieur Joaquim Forn, et les présidents des associations indépendantistes ANC et Òmnium, Jordi Sànchez et Jordi Cuixart, sont encore en prison. Les autres ministres avaient été libérés en décembre.Depuis sa cellule de la prison d'Estremera près de Madrid, Oriol Junqueras s'est tout de même présenté en tête de liste de la gauche républicaine lors des élections parlementaires du 21 décembre dernier. Le chef de la gauche indépendantiste espérait arriver en tête de l'élection afin de pouvoir se faire investir président de la Catalogne. Pari perdu, puisque Carles Puigdemont est arrivé avant lui. Le parti de Junqueras (ERC) a obtenu 32 sièges et (PDeCAT) de Puigdemont a remporté 34 sièges. Le fait qu'Oriol Junqueras reste en prison laisse à Carles Puigdemont une marge de manœuvre pour tenter de se faire investir depuis Bruxelles. Pour l'instant, il ne prendra pas le risque de rentrer en Espagne, car cela entraînerait probablement son arrestation immédiate. Ainsi, il souhaite changer le règlement du Parlement catalan pour qu'il puisse devenir président sans avoir besoin d'être présent physiquement dans l'hémicycle. Carles Puigdemont envisagerait de pouvoir participer par vidéo au débat d'investiture du Parlement catalan qui doit se tenir le 17 janvier. Le parti d'Oriol Junqueras serait a priori d'accord pour cette investiture à distance. La gauche républicaine (ERC) n'a pas réellement de personnalité assez forte à présenter face à Carles Puigdemont. Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, pourrait faire suspendre cette session d'investiture en passant par le Tribunal constitutionnel.