Les erreurs médicales en Algérie, une grave atteinte à la santé des citoyens qui prend de plus en plus d'ampleur au vu des chiffres avancés régulièrement par les spécialistes. Par le passé, les victimes se confinaient dans le silence, alors qu'aujourd'hui elles acceptent de moins en moins de fermer les yeux sur une erreur commise à leur encontre par un médecin. Progressivement, les langues se délient. A la fin de l'année 2009, pas moins de 650 plaintes au niveau national ont été soumis par des patients contre des médecins à la justice. C'est là le chiffre communiqué hier par Dr Mohamed Berkani Bekkat, président du conseil de l'Ordre des médecins, lors d'une rencontre-débat tenue à l'hôtel Hilton en présence des membres du conseil et du Dr Bourkaïb, directeur de la sécurité sociale. En prenant la défense de ses collègues praticiens, Dr Bekkat plaide pour la dépénalisation de l'acte médical. Le président de l'Ordre ne veut apparemment qu'aucun médecin ne soit emprisonné, comme il veut qu'il soit préalablement consulté lorsque la justice est appelée à statuer sur des affaires liées aux erreurs médicales. « Nous sommes la seule profession qui assume ses responsabilités. On nous a accusés de corporatistes : ce n'est pas faux », a lâché Dr Bekkat, qui pense que le conseil a un droit de regard sur ce qui se passe dans le secteur de la santé et conformément aux dispositions de la loi en vigueur, il a le droit d'étudier toutes les plaintes déposées par les citoyens contre les médecins. Ce faisant, il est, de son point de vue, préférable pour les victimes des erreurs médicales de saisir le conseil de l'Ordre des médecins, qui est habilité à établir l'expertise médicale qui permettra de déterminer la responsabilité médicale et, partant, décider de l'ouverture d'une enquête et porter l'affaire devant la justice. Docteur Bekkat fera remarquer que le médecin n'est pas un délinquant ou un criminel et qu'il est important de faire le distinguo entre les erreurs médicales et les fautes médicales. « Il est anormal que la justice décide en solo du sort d'un médecin ayant commis une erreur médicale. La justice devrait nous consulter régulièrement avant que le juge ne statue sur une quelconque affaire, et ce, afin d'éviter les emprisonnements abusifs », a souligné Dr Bekkat, qui a indiqué que le conseil de l'Ordre joue pleinement son rôle à tous les niveaux. Il a sanctionné des médecins qui ont commis des erreurs en leur donnant des avertissements, des blâmes et certains ont été privés d'exercice puisque le conseil a fermé leur cabinet médical. Néanmoins, Dr Bekkat n'a pas été tendre avec certains médecins exerçant dans des cliniques privées et qui ont commis de graves erreurs sans être toutefois inquiétés. « Fait très grave : certaines de ces cliniques ne sont même pas inscrites au conseil de l'Ordre », a déploré le conférencier et d'ajouter : « Ces cliniques fonctionnent, entre autres, avec des médecins étrangers et ont eu l'agrément du ministère de tutelle. Pourquoi ce dernier ne leur demande pas des comptes et pourquoi ils ne sont pas punis pour leurs erreurs médicales ? », s'est interrogé Dr Bekkat, en avouant que ces cliniques leur posent un véritable problème. Le secteur de la santé souffre de plusieurs maux d'où, selon Dr Bekkat, la nécessité d'aller vers l'organisation d'assises nationales de la santé pour faire un état des lieux du secteur, élaborer une politique sanitaire sur les 20 ans à venir et qui soit adoptée aux mutations que connaît la société algérienne. « Le système de santé en Algérie est défaillant, nos hôpitaux sont devenus des mouroirs et le secteur public agonise », note notre interlocuteur, qui trouve, cependant, anormale la prédominance du secteur privé dans le domaine sanitaire. Abordant la question du conventionnement, les participants à cette rencontre, qui s'est déroulée dans l'après-midi à huis clos, ont conditionné leur adhésion au conventionnement par la révision des tarifs proposés par les pouvoirs publics. En effet, docteur Bourkaïb a, dans son compte rendu portant sur le conventionnement, révélé que le tarif de la consultation pour les médecins qui accepteront d'être conventionnés avec la CNAS est de 250 DA pour les praticiens généralistes et de 500 DA pour les spécialistes. Chose que rejette en bloc le corps médical. « Nous sommes contre l'avilissement des horaires de travail. Pour l'heure, 300 médecins à travers le pays ont adhéré à ce principe, mais si la CNAS veut rafler large, elle devrait revoir à la hausse ses tarifs. Nous proposons dans ce sens des consultations à 500 DA pour les généralistes et 650 pour les spécialistes », a noté Dr Bekkat. Pour Dr Bourkaïb, les tarifs proposés sont établis selon les standards internationaux. Il ajoute que cette opération vise à réanimer les cabinets médicaux de certains prescripteurs privés et la préservation des caisses de sécurité sociale.