Voici un des passages du livre de Ali Boukerma, un passage qui en dit long sur la participation concrète et déterminante, mais périlleuse et pénible qu'ont effectuée les militants de la cause nationale dans le cadre de la guerre d'indépendance, en territoire français, dans la tanière même du lion. Ainsi, l'auteur a affiché son style d'écriture dès les premières pages en alignant des faits réels pour cerner la vérité de ce combat audacieux des militants algériens de la Fédération de France. Il n'a pas fantasmé, plutôt il n'a pas été dans le roman, tellement cette lutte a été physique et rude sur le terrain de la confrontation avec les forces de police, les «cellules d'ennemis dans les rangs des compatriotes» et autres indicateurs qui s'opposaient aux militants du FLN. En effet, l'auteur s'est imposé la simplicité de langage pour rapporter, tout bonnement, ce qu'ont vécu les militants, les fidaïyne et les «choquistes» dans leurs missions au quotidien, avec toutes les conséquences que la Révolution leur a ordonnées. Des passages éloquents dans le livre que présente Ali Boukerma à ses lecteurs. Ainsi, La guerre d'Algérie en France, (1955-1962), ou les combattants du FLN en exil offre des tranches faciles à lire et à comprendre, qui décrivent la fermeté de ces moudjahiddine dans l'Hexagone, de même que leur résistance et leur endurance au cours d'opérations souvent singulières et prodigieuses. Le livre est écrit en quatre chapitres, précédés d'une remarquable préface de Kamel Bouchama, qui s'affirme dès les premiers paragraphes en tant qu'ami de l'auteur. Il dit à cet effet : «J'ai beaucoup apprécié sa façon de défendre son travail de militant et, du même coup, je me suis imposé ce retour à une période où, coude à coude, avec Ali Boukerma, mon aîné dans ce que fut, du temps de ‘‘l'Age d'or'' de notre pays, le Grand, Glorieux et Respectueux parti du FLN, nous activions honnêtement, avec forte volonté, autour de programmes – les nôtres –, qui retenaient notre attention et celle de nos militants.» Est-ce de la bienveillance ? Le préfacier s'en défend et renchérit : «Mais voilà, qu'au fur et à mesure que j'avançais dans la lecture, et surtout après avoir terminé le premier chapitre, je sentais que le manuscrit de mon frère Ali Boukerma, sans complaisance de ma part, me passionnait de plus en plus. Je voyais, sous mes yeux, un livre vivant, du fait que j'étais envahi par les informations qui fusent entre ses lignes, écrites avec le sentiment de partager avec la jeunesse d'aujourd'hui, ce que fut la génération de jeunes d'hier.» En somme, ce livre est direct, sans détours, comme l'est son auteur, car son but est d'instruire le lecteur sur cet engagement de militants qui ne sont pas partis à la lutte contre le colonialisme pour des intérêts personnels, mais pour préparer demain dans la liberté, la démocratie et le développement de leur pays. Alors, il s'est attaché à dégager successivement des plans, des horizons et des lignes de force, dans un style simple, un style littéraire fluide et très explicite, dépourvu de fioritures et de phrases lourdes et complexes. Parce que c'est le militant qui s'exprime, qui ne s'embarrasse d'aucune tournure de phrase, avec des constructions qui frisent la pédanterie. Il écrit comme il pense, comme il parle, et l'essentiel pour lui est de communiquer, d'informer, de sensibiliser et de convaincre les jeunes, et les moins jeunes, par des faits, en racontant cette pénible et audacieuse participation de nos vaillants militants et fidaïyne à la guerre d'indépendance de notre pays…, une guerre courageusement transportée dans l'antre de l'ennemi. Ainsi, avec ce style qui lui sied, il est allé directement au but, pour traiter de ce qui est essentiel, en une analyse minutieuse d'une succession d'événements, en prenant soin, bien sûr, de l'orthographe et de la syntaxe, dans des phrases simples, vraies…, souvent rudes. La guerre d'Algérie en France, (1955-1962), ou les combattants du FLN en exil est un livre qui ne laisse pas le lecteur indifférent, insensible, tellement il est captivant. Et de là, ce lecteur ne se lasse pas de le lire rapidement, certains peuvent le dévorer d'un trait pour son suspense. Il faut dire que l'auteur Ali Boukerma a eu l'idée de susciter cette envie chez le lecteur de par les faits et les événements qu'il a recensés et qui se succèdent dans des pages qui ne vous permettent pas de les quitter si facilement, malgré le sommeil qui vous taquine si, nécessairement, vous avez l'habitude de lire la nuit, avant de dormir. Et comment ce livre ne va-t-il pas retenir notre attention quand l'on remarque, qu'au travers de ces lignes, écrites avec l'encre de son cœur, l'auteur nous déambule, pardon nous plonge, dans les abysses de cette lutte implacable qui avait pour théâtre les coins et recoins du territoire français, pays du colonisateur ? Là, il n'a pas hésité à raconter, dans les détails, avec la précision qui est une de ses valeurs intrinsèques, ce travail de militants et autres fidaïyne qui s'engageaient et se sacrifiaient, continument, à la cause nationale, malgré tous les aléas inhérents à ce genre d'alignement avec la Révolution qui, par ailleurs, en Algérie, battait son plein et se trouvait à son paroxysme. Des attentats, il en fait état dans son livre, avec des descriptions qui dessinent le patent réel, comme si vous étiez dedans. Des évasions de prison, il va jusqu'au détail pour dire que ce n'était pas si simple d'envisager une opération aussi spectaculaire qu'une évasion d'un centre pénitentiaire, surtout qu'ils se trouvaient être tous sous haute surveillance. Il laisse le lecteur réfléchir pour comprendre que si les techniques d'évasion sont nombreuses, la traque des fugitifs suit une méthodologie rigoureuse. Pourtant, le concernant – et il le dit avec un fort sentiment de détermination – que dans les prisons dans lesquelles il a longuement séjourné, jamais la sensation d'abandon ne l'a effleuré. N'a-t-il pas jeté sa conviction d'être cet homme libre au visage du procureur de la République, en ces termes, quand il lui a conseillé d'être tranquille après sa première évasion ratée de la prison de Nancy, Charles-III ? – «Il ne faut plus recommencer, la prochaine fois tu risques d'être abattu !» – «Je sais, Monsieur le Procureur, mais le devoir d'un détenu, c'est de chercher toujours à s'évader…, pour poursuivre la lutte pour l'indépendance de son pays.» De même que devant des situations, hautement dangereuses, il est resté stoïque à l'image de tous ces Algériens qui, au bord du danger, savaient trouver pour les utiliser, face aux tenants du colonialisme, ces expressions justes qui leur donnaient du cran et les plaçaient dans cette lignée d'hommes et de femmes libres qui s'inscrivent dans l'éternité pour et par leur courage et leur détermination durant la guerre de Libération nationale. En effet, Ali Boukerma, alias Si Khaled dans cette lutte implacable contre l'ennemi, sur ses propres territoires, répliquait sereinement à son avocat, qui lui montrait toute son inquiétude quant à l'issue de ce procès, après le réquisitoire du Procureur général qui a demandé le concernant l'application de la peine de mort : «Oui, Maître ! Pour nous, l'Algérie était déjà libre, le 1er Novembre même. Nous pouvons aller en paix, maintenant !» Quelle dignité que ces Hommes d'hier qui ne vivaient aucunement d'égocentrisme ou, peut-être même d'imposture que de soi-disant militants, à la renommée surfaite, arborent ostentatoirement aujourd'hui, pour plaire, se faire valoir et…, tirer profit. Autant de leçons que nous inculque l'auteur dans son écrit où l'épopée glorieuse est présente, plus que jamais. Car, faut-il l'exprimer, avec autant d'honnêteté que de clarté, que le livre La guerre d'Algérie en France, (1955-1962), ou les combattants du FLN en exil est une mine d'or où rien n'a été omis. Il a passé au peigne fin toutes ces actions qui les ont mobilisés, ses amis et lui, dans la fournaise du travail révolutionnaire et de ses missions commandées. Alors, pris par ce besoin de témoigner, il a accompli son devoir de mémoire dans une écriture telle, qu'on dirait un scénario de film, tant il était obnubilé par la précision, à travers un schéma narratif, avec des personnages réels et des dialogues impressionnants, poignants, qui disent cette réalité amère qu'a imposée notre lutte de libération. Ainsi donc, Ali Boukerma a raconté son vécu avec la fidélité et l'authenticité qui sont parmi ses vertus cardinales que ses compagnons d'armes ont toujours appréciées et estimées, depuis ces années inoubliables qu'ils ont passées, ensemble, au sein de la Révolution pendant la lutte de Libération nationale, et plus tard au sein de l'Amicale des Algériens en Europe, et enfin au sein du parti du FLN et du Conseil national de l'Association des moudjahiddine. L'auteur termine son livre avec les dernières chroniques qui ont précédé le cessez-le-feu et l'indépendance, sans ignorer ses amis, les acteurs qui ont fait cette glorieuse épopée et qui ont pour noms les Othmane Belouizdad, membre des «22», Ali Zaâmoum, Samir Imalayène, Chérif Aïssoub, Mokhtar Kaci-Abdallah, Félix Collozi, le compagnon de Fernand Yveton, de même que les anciens responsables de groupes de choc, les Bouzid, Rabah, Hamid, Brahim, Tahar, Kaddour, Layachi, Ali, Khier, Laïd et les militantes sur le terrain Fatima et Malika. Enfin, l'auteur Ali Boukerma et ses camarades ont eu ce comportement digne jusqu'à la fin de la guerre. N'en démontre que cet événement, avec lequel l'auteur a tenu à terminer son livre, et qui nous sérine que les militants sont restés disciplinés, jusqu'au bout des ongles. Une preuve qui exprime également leur solidarité qui n'a jamais failli pendant la lutte de Libération nationale. De quoi s'agit-il ? Eh bien, la Fédération de France du FLN a décrété une grève de la faim illimitée dans toutes les prisons de France, qui a débuté le 2 novembre 1961 et qui s'est terminée le 20 du même mois, par solidarité avec les cinq responsables algériens détenus à Aulnoy en France, Boudiaf, Aït Ahmed, Khider, Ben Bella et le militant et intellectuel Mostefa Lacheraf. «La veille du déclenchement de la grève, écrit l'auteur, Samir Imalayène reçoit de ses parents un colis de gâteaux – de la baklaoua – que les détenus mettent à l'extérieur de la cellule, devant la porte ainsi que le sucre et le Nescafé, sur ordre du comité de détention, présidé par Benour Boussaâd, dit Jean Lebrun. Félix Colozzi, quant à lui, reçoit de sa sœur un petit poste radio, et tous les quarts d'heure les membres du comité de détention écoutent les nouvelles de Geneviève Taboui, de radio Luxembourg, concernant la grève et les répercutent au sein de leurs camarades.» Au lecteur de comprendre ces gestes, peut-être insignifiants aujourd'hui, chez d'aucuns, mais tellement expressifs, éloquents et révélateurs de cette unité de pensée et d'action chez les Algériens, dans ces moments pénibles de la Révolution. Enfin, ce même lecteur aura le plaisir d'en connaître davantage de situations dans ce qu'a écrit Ali Boukerma, dans son vécu de tous les jours, au cours de ces années de braise…, un vécu qui reflète la détermination d'authentiques moudjahiddine qui se mobilisaient davantage pour la Révolution à laquelle ils n'ont jamais cessé d'y croire.
La guerre d'Algérie en France, (1955–1962) ou les combattants du FLN en exil, de Ali Boukerma, 160 pages. Ed. Juba, 1er semestre 2018
Par Abdelkrim Ould-Cheikh Cadre supérieur de l'Etat en retraite et ancien chef de Département de l'UMA