Le 14 janvier, Omar El Béchir déclare que la contestation n'aboutira pas à un changement du pouvoir. Le groupe à la tête du mouvement de contestation au Soudan a appelé, hier, à l'ouverture de négociations directes avec l'armée. Négociations qui doivent mener à la formation d'un «gouvernement de transition». «Nous appelons les forces armées soudanaises à engager un dialogue direct avec l'Alliance pour le changement et la liberté, afin de faciliter un processus pacifique débouchant sur la formation d'un gouvernement de transition», a déclaré un dirigeant de cette organisation, Omar Al Digeir. Un peu plus tôt dans la journée, l'armée a déployé des troupes autour de son quartier général à Khartoum, devant lequel sont rassemblés, pour le troisième jour consécutif, des milliers de manifestants réclamant la démission du président Omar El Béchir. Entre-temps, des véhicules transportant des membres du Service de renseignement (NISS) et de la police antiémeute ont également pris position près du siège de l'armée. Les organisateurs de la contestation ont appelé dans un communiqué les habitants de la capitale et des environs à se joindre aux manifestants. «Les forces de sécurité du régime tentent de disperser le sit-in par la force», a indiqué l'Alliance pour le changement et la liberté dans son communiqué, en faisant référence à la police antiémeute et aux Services de renseignement. Plus tard dans la matinée, cette alliance de partis de l'opposition et de professionnels soudanais a appelé l'armée à protéger les manifestants du NISS et de la police. «Nous souhaitons que vous, jeunes officiers et soldats, vous engagiez à remplir le rôle d'une armée nationale, qui est de protéger le peuple», a précisé l'Alliance dans un communiqué. Une histoire marquée par des pronunciamientos Le 19 décembre 2018, des centaines de Soudanais manifestent dans plusieurs villes après la décision gouvernementale de tripler le prix du pain, objet d'une pénurie depuis trois semaines. Le 1er janvier 2019, une vingtaine de formations politiques réclament un changement de régime. Le 14 du même mois, El Béchir déclare que la contestation n'aboutira pas à un changement du pouvoir. Le 22 février, il décrète l'état d'urgence et annonce le limogeage du gouvernement. Samedi, les manifestants parviennent pour la première fois à approcher le siège de l'armée à Khartoum. Le Soudan a accédé à l'indépendance le 1er janvier 1956. Un système parlementaire a été mis en place. En 1958, les militaires prennent le pouvoir. En octobre 1964, une insurrection populaire met fin à la dictature militaire. Une nouvelle expérience parlementaire est entamée. Cependant, le 25 mai 1969, un groupe d'officiers, dirigé par le colonel Gaafar Nemeiry, prend le pouvoir par un coup d'Etat. En juillet 1971, une tentative de coup d'Etat échoue à faire tomber le colonel Nemeiry ; il échappe à deux autres, en 1975 et 1976. En 1972, sont signés des accords de paix à Addis-Abeba, en Ethiopie, mettant fin à la rébellion du Sud. Mais celle-ci reprend en 1983. La même année est instaurée la charia. En mars et avril 1985, le pays est secoué par une révolte populaire doublée d'un coup d'Etat qui met fin au régime de Nemeiry. En avril 1986, est élue une Assemblée constituante. Le 30 juin 1989, le général Omar El Béchir, soutenu par les islamistes, prend le pouvoir par un coup d'Etat contre le Premier ministre démocratiquement élu, Sadek Al Mahdi. Il encourage les activités du Front national islamique de Hassan Tourabi. En août dernier, le parti au pouvoir, le Congrès national, a désigné Omar El Béchir candidat à la présidentielle de 2020. Or, la Constitution soudanaise de 2005 limite à deux les mandats présidentiels pour un même prétendant. Cela n'a pas empêché El Béchir d'être réélu en 2011 et 2015. Depuis le début du mouvement, 32 personnes sont décédées, selon les autorités. Human Rights Watch (HRW) a fait état d'au moins 51 morts.