Déclenchées par la hausse du prix du pain, passé mi-décembre d'une livre soudanaise (1 centime d'euro) à trois, les protestations populaires se sont transformées en manifestations contre le gouvernement. En effet, les manifestants demandent la chute du régime. Mardi, une vingtaine de formations politiques ont appelé à un changement de régime pour pouvoir surmonter la crise économique que vit le pays. Le mouvement de contestation a éclaté le 19 décembre dans plusieurs villes touchées par des pénuries avant de gagner la capitale Khartoum. Au moins 19 personnes ont été tuées, selon les autorités. Amnesty International a fait état de son côté de la mort de 37 manifestants et réclamé une enquête de l'Organisation des Nations unies (ONU). Poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour «génocide dans la province du Darfour (ouest)», Omar El Béchir est au pouvoir depuis 1989. Son règne est marqué par des conflits avec le Sud jusqu'à la paix en 2005, et dans d'autres régions, notamment dans celle du Darfour (ouest) à partir de 2003. -Le 26 avril 1996, le Conseil de sécurité de l'ONU prend une série de sanctions contre le Soudan. Economiquement affaibli par ces conflits, le régime de Khartoum est incapable d'atténuer les difficultés sociales. Difficultés qui constituent le terreau des manifestations populaires qui éclatent en novembre 1995, l'été 1996, janvier 2011, septembre 2013 et janvier 2018. Proclamée en juillet 2011, l'indépendance du Soudan du Sud a amputé le pays des trois quarts de ses réserves de pétrole et compliqué ainsi la crise économique, malgré la levée par les Etats-Unis de leur embargo commercial en 2017. Un pronunciamiento pour s'éterniser au pouvoir En août dernier, le parti au pouvoir, le Congrès national, a désigné Omar El Béchir candidat à la présidentielle de 2020. Or, la Constitution soudanaise de 2005 limite à seulement deux les mandats présidentiels pour un même prétendant. Cependant, El Béchir a déjà été réélu en 2011 et 2015 avec 94,5% des voix. Ces textes devront donc être amendés s'il se présente à nouveau. Plus grand pays d'Afrique avec une superficie de 2,5 millions de kilomètres carrés, le Soudan a accédé à l'indépendance le 1er janvier 1956. Un système parlementaire de type britannique a été mis en place. En 1958, les militaires prennent le pouvoir. En octobre 1964, éclate une insurrection populaire qui met fin à la dictature militaire. Une nouvelle expérience parlementaire est initiée. Cependant, le 25 mai 1969, un groupe d'officiers dirigé par le colonel Gaafar Nemeiry prend le pouvoir par un coup d'Etat. En juillet 1971, une tentative de coup d'Etat échoue à faire tomber le colonel Nemeiry ; il échappe à deux autres, en 1975 et 1976. En 1972 sont signés des accords de paix à Addis-Abeba, en Ethiopie, mettant fin à la rébellion du Sud. Mais celle-ci reprend en 1983. La même année est instaurée la charia. En mars et avril 1985, le pays est secoué par une révolte populaire doublée d'un coup d'Etat qui met fin au régime de Nemeiry. En avril 1986 est élue une Assemblée constituante. Le 30 juin 1989, le général Omar El Béchir, soutenu par les islamistes, prend le pouvoir par un coup d'Etat contre le Premier ministre démocratiquement élu, Sadek Al Mahdi. Il encourage les activités du Front national islamique de Hassan Tourabi. Les relations du Soudan avec l'Occident, notamment, se détériorent. Les Etats-Unis accusent Omar El Béchir de soutenir le terrorisme. L'Egypte met en cause Khartoum dans l'attentat manqué contre le président Hosni Moubarak le 26 juin 1995 à Addis-Abeba.