L'arrestation de Saïd Bouteflika, frère de l'ancien Président, et de deux ex-patrons des services de renseignement, Mohamed Mediène, dit Toufik, et Bachir Tartag, dit Athmane, a provoqué moult réactions au sein de la population. Si certains ont tenu à saluer leur comparution devant le procureur général militaire près la cour d'appel militaire de Blida même si, d'après eux, cette action devrait être suivie par d'autres actes afin de satisfaire les revendications des Algériens qui réclament le changement du «système», d'autres, par contre, y voient toujours une sorte de «manœuvre» visant l'affaiblissement du hirak. Ainsi, l'ancien président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Saïd Sadi, a évoqué, dans une contribution rendue publique hier, une «guerre des clans». «Ce n'est pas en se focalisant sur la guerre des clans, si spectaculaire soit-elle, que l'on va dépasser les problèmes qui minent le pays», a-t-il dit avant d'ajouter : «Et cette bataille d'Alger, remportée par un clan sur un autre, sur fond de coterie régionaliste, n'annonce rien de bon quant à la stabilité et la cohésion de la nation pour laquelle se sont levés des millions d'Algériens depuis le 22 février.» A cet effet, Saïd Sadi a estimé que «pour qui apprécie la situation politique du pays à l'aune des rapports de force qui rythment les évolutions historiquement conflictuelles du régime, ces trois arrestations qui occuperont, à n'en pas douter, les gazettes pendant quelques jours ou semaines, est un mini séisme». «Raison pour ne pas laisser cette révolution de palais vampiriser nos luttes. D'autres événements, autrement plus importants et prometteurs pour l'Algérie construisent la nouvelle histoire. C'est vers eux que doivent tendre et converger nos énergies et attentions», a-t-il lancé. De son côté, le militant et ancien député Djamel Zenati a indiqué que «ce serait faire preuve d'une grande naïveté que d'attribuer la vague d'arrestations à la pression de la rue». D'après lui, «ces arrestations obéissent à un triple objectif», à savoir «contenter une partie de l'opinion, se débarrasser d'éventuels adversaires ou partenaires encombrants et, le plus important, préparer le terrain à une alternance interne au système en la légitimant par l'impératif de moralisation qui n'en est pas une». Il ajoutera que le dossier de la corruption «est du ressort des institutions de transition». L'universitaire Ali Bensad a tenu, lui, à rappeler que «les fils Moubarek avaient été arrêtés» et qu'«ils sont revenus à leurs affaires», alors que «les jeunes du hirak sont en prison». Une manière pour lui de demander aux manifestants d'être vigilants. Tout en rappelant ce même scénario égyptien, avec les arrestations «des corrompus, dont Moubarek», après la démission de ce dernier, le politologue Rabah Lounici a affirmé que «l'arrestation de telle ou telle personne n'a aucun sens, si les mêmes mécanismes du système ayant produit ces corrompus, l'incompétence et le régionalisme et autres maux qui ont démoli l'Algérie sont maintenus». «Le maintien de ce même système avec ses mécanismes ne ferait que reproduire les mêmes catastrophes qui seront bien plus graves», a-t-il ajouté. En d'autres termes, il serait primordial de combattre le problème à la source. A ce titre, le président de l'Union des forces démocratiques et sociales (UFDS), Noureddine Bahbouh, a déclaré qu'«après la chute des chefs de file de la conspiration, nous attendons la mise en application des autres axes de la feuille de route en nommant des personnalités légitimes et honnêtes pour la gestion de la transition». Le Mouvement de la société pour la paix (MSP), de Abderrazak Makri, a considéré, pour sa part, que «l'arrestation du frère du Président et de deux anciens responsables des services de renseignement constitue un développement qualitatif important dans le cadre des arrestations en cours dans le pays». Néanmoins, ajoute-t-il dans un communiqué, «celui qui a mis en place la bande et a offert une immunité à ses chefs est le système politique en place basé sur la fraude électorale». «Seule la démocratie mettrait le pays à l'abri de la constitution d'une autre bande et l'apparition d'autres entités mafieuses et la dilapidation des richesses nationales», a déclaré ce parti. A cet effet, le MSP «réclame le lancement d'un processus vérité et justice pour identifier les parties qui ont été lésées électoralement et politiquement et sur le plan personnel de la part du système bouteflikien et des immixtions du DRS auparavant qui était pendant de longues années l'axe central du système politique avec toutes ses composantes». Ainsi, même ceux qui ont «salué» la comparution des trois mis en cause devant un juge d'instruction, estiment que cela n'est nullement une finalité en soi, puisqu'il est nécessaire de prendre d'autres mesures afin d'ouvrir la voie à une solution politique.