La vague d'arrestations opérée par l'état-major de l'armée et qui a touché depuis hier, Saïd Bouteflika, frère du président déchu et dont la "tête" était réclamée par le mouvement populaire, ainsi que les deux ex-patrons des services de renseignements, Mohamed Mediène, alias Toufik, et Athmane Tartag, est accueillie avec circonspection par certains acteurs politiques de l'opposition. S'ils semblent adhérer à l'idée de lutter contre la corruption, ils demeurent, en revanche, prudents quant aux arrière-pensées qui sous-tendent cette série d'arrestations. Saïd Sadi "Cette révolution de palais ne doit pas vampiriser nos luttes" Observateur averti de la scène politique, l'ancien président du RCD, Saïd Sadi, n'hésite pas à faire un lien entre ces arrestations et les récentes sorties de Khaled Nezzar et de Liamine Zeroual. Pour lui, elles procèdent d'une culture ancrée au sein du régime. C'est pourquoi, il appelle le mouvement populaire à maintenir la mobilisation, à se focaliser sur l'essentiel et à ne pas se laisser distraire par cette guerre des clans. "Ce n'est pas en se focalisant sur la guerre des clans, si spectaculaire soit-elle, que l'on va dépasser les problèmes qui minent le pays. Et cette bataille d'Alger, remportée par un clan sur un autre, sur fond de coterie régionaliste, n'annonce rien de bon quant à la stabilité et à la cohésion de la nation pour laquelle se sont levés des millions d'Algériens depuis le 22 février", écrit Saïd Sadi sur son compte facebook. "Pour qui apprécie la situation politique du pays à l'aune des rapports de force qui rythment les évolutions historiquement conflictuelles du régime, ces trois arrestations qui occuperont, à n'en pas douter, les gazettes pendant quelques jours ou semaines, est un mini-séisme. Raison de plus pour ne pas laisser cette révolution de palais vampiriser nos luttes. D'autres événements, autrement plus importants et prometteurs pour l'Algérie, construisent la nouvelle histoire. C'est vers eux que doivent tendre et converger nos énergies et attentions", préconise-t-il. "Fondamentalement, ce qui se passe sous nos yeux n'est pas nouveau. La culture du janissaire qui voit un chef de clan décapiter l'occupant du trône avant d'être lui-même étêté remonte à loin et n'a jamais engendré des institutions stables et crédibles (…) C'est précisément de cette spirale infernale qu'il faut libérer la nation", écrit-il.
Djamel Zenati (militant de la démocratie) "Elles préparent une alternance clanique" L'ancienne figure de proue du FFS et du MCB estime que ce serait faire preuve d'une grande naïveté que d'attribuer ces arrestations à la pression de la rue. "Certes, la dénonciation de la corruption et du pillage est une thématique centrale dans les mobilisations. Seulement, le devoir de rendre des comptes ne doit, en aucun cas, prendre la tournure d'un règlement de comptes", soutient-il. Selon lui, l'exigence populaire constitue un "prétexte" aux nouveaux maîtres du moment et ces arrestations obéissent à un triple objectif : "Contenter une partie de l'opinion, se débarrasser d'éventuels adversaires ou partenaires encombrants et, le plus important, préparer le terrain à une alternance interne au système en la légitimant par l'impératif de moralisation qui n'en est pas une", souligne-t-il. Comme nombre d'Algériens sceptiques devant cette entreprise de moralisation confiée, de surcroît, à une justice sur laquelle pèsent des soupçons, Djamel Zenati est formel : "Le dossier de la corruption ne peut être traité par ceux-là mêmes qui organisent et supervisent le phénomène." "Il est du ressort des institutions de transition. C'est une question délicate qui commande sérénité, impartialité, transparence et méthode. Une fois un audit national réalisé, les enquêtes pourraient alors être diligentées et la justice enfin saisie. Tout le reste n'est que diversion", dit-il. C'est pourquoi, il appelle à la vigilance. "Le mouvement populaire doit observer la plus stricte vigilance. Dans toute cette agitation, il est la seule cible du système. Rien d'autre".
Mohcine Belabbas (président du RCD) "Ce sera sérieux le jour où Abdelaziz Bouteflika sera déféré" "Je pense que ce sera sérieux le jour où Abdelaziz Bouteflika sera déféré devant le tribunal comme accusé et Gaïd au minimum en tant que témoin. Tirer sur une ambulance, je laisse cela aux éternels retourneurs de vestes", a réagi sur son compte facebook, le président du RCD, Mohcine Belabbas. K. K.