« Nous voulons avoir toutes les places », a déclaré, lundi 26 avril, Abdelaziz Belkhadem, reconduit à son poste de secrétaire général du FLN après le neuvième congrès du parti qui s'est tenu en mars dernier. Cela ressemble à un aveu. Le FLN, qui ne semble pas croire à un avenir radieux de l'Alliance présidentielle qui le lie au RND et au MSP, se prépare à lancer une stratégie de conquête sur tout ce qui peut être pris. Le plus drôle dans l'affaire est que le vieux parti entend même s'installer dans les jardins, déjà encombrés, de ses alliés. Belkhadem l'a clairement dit lors de la conférence de presse qui a suivi l'annonce de la nouvelle composante du bureau politique (BP). Les « frères » de l'Alliance « On ne donnera qu'après que nous ayons tout pris », a-t-il appuyé comme si la chose était déjà entendue. En termes plus simples, le parti unique tente de se « réinstaller » avec armes et bagages. Vouloir tout prendre et ne rien laisser ne peut pas avoir une autre explication. Tout le monde sait à Alger que l'Alliance présidentielle n'a jamais réellement fonctionné. Ses réunions ressemblent à des cérémonies protocolaires où l'on partage plus des petits fours et du thé vert que des idées politiques. Bouguerra Soltani a laissé entendre, dernièrement, que le MSP pourrait se retirer de l'Alliance présidentielle. Une surenchère liée à une curieuse demande du chef de l'ex-Hamas de vouloir prendre le Premier ministère, « la akthara oua la aqqal (ni plus ni moins) » ! « Ce genre de poste ne se demande pas et même s'il est demandé, il n'est pas accordé », a répondu Abdelaziz Belkhadem, dont la gentillesse du propos souligne toute l'harmonie entre « les frères » de l'Alliance. Le MSP craint que les bruits sur les scandales dans les secteurs des travaux publics et de la pêche emportent, dans le cas d'un remaniement ministériel, deux de ses ministres, Amar Ghoul et Smaïl Mimoun. Le parti se prépare donc à s'adapter à une nouvelle situation où il va avoir le sentiment de ne plus servir à rien. Il n'est pas sûr que des ministres MSP soient repris dans un prochain gouvernement. L'affaiblissement évident du MSP, dont la crédibilité politique ressemble à un voile de vapeur un jour de pluie, peut profiter à un FLN qui nourrit l'illusion d'une force retrouvée. Mais d'où le FLN tient-il cette force ? Du soutien inconditionnel qu'il accorde au président Abdelaziz Bouteflika ? Ou des appuis habituels des appareils de décision ? Pour organiser son congrès, le parti a écarté tous les probables opposants pour entretenir l'image d'une formation qui retrouve sa cohésion après l'épisode de 2004 avec la candidature à la présidentielle de Ali Benflis contre Abdelaziz Bouteflika. Les objectifs du neuvième congrès de réunifier les rangs n'ont pas été atteints. Preuve en est l'éviction de la nouvelle composante du BP de tous les membres soupçonnés d'être proches de Ali Benflis, à l'image de Abdelkrim Abada. Une purge à l'ancienne, justifiée par Abdelzaziz Belkhadem de cette manière : « Cette étape nécessite un changement qui se fait dans la continuité. » On tourne en rond Il est vrai que le pays a perdu le langage de la rupture depuis 1999, mais l'embarras du SG du FLN est visible. Le FLN, qui tourne en rond depuis au moins dix ans, autant que le RND d'ailleurs, est incapable de changer. Il n'a presque plus de ressort pour rebondir et ses articulations rouillées par l'arthrose le tirent vers le bas. Le rajeunissement promis par Belkhadem n'a pas eu lieu. A peine quelques strapontins ont été concédés au comité central après le congrès de mars. Aucun jeune cadre n'a fait son entrée au BP. Rajeunir le parti n'est pas perçu comme une entreprise vitale pour la survie d'une formation alimentée par les sucres forts du régime. Le FLN, qui connaît sûrement le langage des arbres, scie à la petite lame la branche sur laquelle il est assis. La moyenne d'âge au nouveau BP approche les 60 ans. Ce n'est pas très rassurant pour un parti qui veut conquérir toutes les places à... la force des bras. Une indifférence inquiétante Mais au-delà du FLN et ses marmites, le renouvellement des élites politiques ne fait pas débat national. Ni dans les sphères publiques ni dans privées. Cette indifférence est inquiétante. A terme, elle deviendra dangereuse. Sur un autre plan, le FLN aura besoin de renouveler son discours et ses idées, à supposer que cet impératif fasse consensus. Le BP est en tout cas censé tracer les grandes lignes de l'action future du parti. Les élections législatives et locales de 2012, qui approchent à grands pas, vont « réveiller » tous les instincts. Comme le Parlement et les communes sont devenus des lieux d'enrichissement, puisque « la corruption est inévitable », selon les propos de Abdelhamid Temmar (un ancien du FLN), il y a fort à parier que la course sera « impitoyable » pour les candidatures. Une course qui ne va pas tarder à commencer. La règle au FLN, comme au RND et au MSP, s'inspire du célèbre principe de comptabilité : le premier arrivé est le premier servi (first in first out).