Le 5 mai dernier, Total annonçait sur son site internet officiel «avoir signé un accord engageant avec Occidental en vue de l'acquisition des actifs d'Anadarko en Afrique (Algérie, Ghana, Mozambique et Afrique du Sud) pour un montant de 8,8 milliards de dollars, dans l'éventualité d'un succès de l'offre en cours d'Occidental pour le rachat de Anadarko». «Cette transaction, précisait le géant français des hydrocarbures, est donc conditionnée à la signature et la finalisation de l'acquisition envisagée d'Anadarko par Occidental ainsi qu'à l'approbation par les autorités compétentes. La finalisation de la transaction entre Occidental et Total devrait avoir lieu en 2020». En Algérie, Total communique les actifs dont il est question. Il s'agit de l'opérateur des blocks 404a et 208 avec une participation de 24,5% dans le bassin du Berkine (champs de Hassi Berkine, Ourhoud et El Merk) dans lesquels Total détient déjà 12,25%. En 2018, la production de ces champs a été de 320 kbep/j de pétrole. Ajoutés aux actifs ciblés au Ghana et en Afrique du Sud, le tout représente, indique la même source, «environ 1,2 milliard de barils de réserves prouvées et probables, dont 70% de gaz, ainsi que 2 milliards de barils de ressources long terme de gaz naturel au Mozambique. La production en quote-part était de 96 kbep/j en 2018 et devrait croître à environ 160 kbep/j d'ici 2025». De quoi faire saliver le président directeur général de Total, Patrick Pouyanné, qui, dans une déclaration reprise par le site du groupe, affirmait : «Si elle se réalise, l'acquisition d'Anadarko par Occidental nous offre l'opportunité d'acquérir un portefeuille d'actifs de classe mondiale en Afrique, ce qui renforcerait notre position de leader parmi les sociétés privées internationales sur le continent. Nous deviendrions opérateurs d'actifs pétroliers majeurs en Algérie dans lesquels nous sommes déjà partenaires». L'annonce avait fait réagir rapidement le ministre de l'Energie et des Mines, Mohamed Arkab, qui a déclaré que l'Algérie allait empêcher cette transaction en faisant valoir son droit de préemption avant de se raviser et soutenir que les deux parties trouveraient plutôt un compromis. Qu'est-ce qui a amené le ministre de l'Energie à changer d'attitude ? Est-ce une méprise ou la maîtrise du dossier ? On ne le saura peut-être jamais dans un pays où tout se déroule dans l'opacité la plus totale. Ce n'est pas le communiqué du ministère de l'Energie, diffusé jeudi dernier, qui édifiera l'opinion publique sur les tenants et aboutissants de cette affaire. Le ministre, Mohamed Arkab, recevait Patrick Pouyanné, PDG du Groupe Total, en présence du PDG du Groupe Sonatrach, Rachid Hachichi. Ont certainement été au menu les actifs d'Anadarko, mais pas seulement, il s'agissait aussi, lors de cet entretien, des relations entre le Groupe Total et le Groupe Sonatrach, notamment dans les domaines gaziers ainsi que les perspectives de collaboration entre les deux Groupes dans des projets à grande valeur ajoutée en Algérie et à l'étranger. Selon le communiqué rédigé dans le pur style de langue de bois et même comme s'il s'agissait de rapports d'Etat à Etat, «les parties ont notamment abordé les projets futurs à réaliser dans le onshore, le offshore, les énergies renouvelables et la pétrochimie». «Elles ont témoigné de la volonté indéfectible des deux groupes économiques de préserver leurs intérêts communs et d'œuvrer à développer un partenariat pragmatique qui crée de la valeur pour les deux parties sur le moyen et long termes». Bien que rien n'a été soufflé sur la transaction, on comprend bien que Total est en train de devenir un partenaire privilégié. D'importants enjeux économiques, présents et futurs, se déroulent dans l'antichambre du régime, loin des yeux des Algériens qui ont droit à l'information. D'ailleurs, l'on se demande pourquoi Total s'active à élargir le champ de ses intérêts en Algérie en ce moment précis de l'histoire du pays…