Le Ramadhan 2019 qui s'est estompé restera gravé dans la mémoire collective comme le symbole d'une liberté d'expression et de manifestation retrouvée et ancrée. Alors que par le passé il s'était caractérisé comme le «mois sacré» de l'immobilisme ou du moindre effort, il a, cette fois-ci, revêtu les contours d'une contestation citoyenne vivifiante dans le droit fil du mouvement revendicatif du 22 février. Le pouvoir en place avait tergiversé, à telle enseigne qu'il espérait réfréner l'élan patriotique populaire en s'alliant la léthargie du mois de Ramadhan et voir du coup l'extraordinaire mobilisation de millions d'Algériens s'amenuiser, puis redonner assurance et initiative aux adeptes du système résiduel. Même si ce pouvoir continue à glaner quelques semaines ou quelques mois de sursis pour chercher à imposer son «plan de sortie de crise», le message adressé par les Algériens est on ne peut plus clair : «Nous voulons une Algérie libre et démocratique», martèlent-ils. L'idée est tellement ancrée qu'ils sont nombreux à s'interroger sur la suite que le pouvoir militaire entend réserver à cette revendication légitime du peuple. Les citoyens n'arrivent pas à se mettre à l'esprit que ce qui est devenu un idéal de combat pacifique puisse, sinon être ignoré, du moins être vidé de sa profondeur, comme recherché par les tentatives sournoises mais vaines esquissées ces dernières semaines. Ils restent dans l'expectative, mais sont déterminés à voir leur mouvement aboutir. De l'autre côté, les clignotants sont éteints. Le pouvoir réel, qui a longtemps misé sur l'essoufflement du mouvement, semble décidé à opérer une tentative à peine voilée d'un prochain passage en force dont on ignore la nature. Le fait de franchir le Rubicon de l'extraconstitutionnalité augure d'un «khéchinisme» qui n'annonce rien de bon. Le Conseil constitutionnel a reconduit le mandat de Bensalah sans s'appuyer sur le moindre texte. Et, dans ce prolongement, il a été appelé à une élection présidentielle sans satisfaire à la demande des manifestants de passer par une période transitoire afin d'asseoir de nouveaux mécanismes institutionnels fiables. Et dans tout ce chantier impérieux et vaste, il sera vital de revoir et d'éclaircir la loi et les listes électorales pour une représentativité authentique des courants politiques nationaux. Car l'aberration serait que, prochainement, avoir un président de la République issu d'une aile partisane donnée avec, en face, une majorité parlementaire hostile qui l'empêcherait de mener à bien son programme conduirait tout droit à la crise. Le pouvoir actuellement en place en Algérie a-t-il ce souci de s'engager dans la voie de réformes honnêtes telles que réclamées à cor et à cri par la vox populi tous les vendredis, et ses corollaires les jours ouvrables ? Aucune véritable démonstration de bonne volonté de sa part n'est venue rassurer l'anxiété nationale quant à une issue «civilisée» à ce bras de fer peu rassurant. Que sera l'après-Ramadhan ? C'est la question que se posent tous les Algériens ? D'un côté un pouvoir apeuré, fébrile, désorienté et en panne d'idées, qui veut faire maintenir, par la malice et l'autoritarisme, les résidus d'un système suranné, dépassé, périmé et rétrograde. De l'autre, un mouvement populaire jeune, cohérent, impétueux, flamboyant, pacifique et déterminé à rompre avec l'ancien système et jeter les bases d'une société équitable et prospère. L'histoire nous a appris que le combat est inégal : les peuples jouissant d'une cohésion nationale inébranlable et unis dans leur quête de liberté et d'émancipation trouvent toujours le courage de surmonter leur peur et triomphent imparablement de l'arbitraire et du despotisme. Les Algériens veulent un Etat juste et ils l'auront. Tout le reste n'est que pure perte de temps…