Moscou et plusieurs autres villes fêtent aujourd'hui l'anniversaire de la victoire des Alliés sur l'Allemagne nazie. La Russie, à l'heure où elle s'apprête à célébrer en grande pompe aujourd'hui le 65e anniversaire de la victoire des Alliés sur l'Allemagne nazie, paraît plus embarrassée que jamais par l'ambiguïté de ses relations avec l'ancien dictateur soviétique, Joseph Staline. Depuis des semaines, l'ombre du Petit père des peuples, qui a conduit l'URSS à la victoire de 1945 et qui est aussi accusé d'avoir provoqué la mort de millions de personnes dans les camps et lors de la collectivisation forcée, plane sur la presse russe. Il s'agit pour une bonne part de la vive controverse suscitée par la décision des autorités moscovites d'accrocher en ville des affiches évoquant son rôle pendant la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre des grandioses célébrations du 9 Mai, alors qu'une ribambelle de dirigeants étrangers est attendue à Moscou. L'idée a finalement été abandonnée officiellement pour des raisons pratiques et par crainte d'actes de vandalisme. Selon la presse russe, c'est en réalité le Kremlin qui a fait pression sur le maire de Moscou, Iouri Loujkov, principal artisan du projet, pour qu'il y renonce. Les affiches de Staline, que la mairie envisageait initialement de placer dans des lieux publics extérieurs, seront exposées à l'intérieur des bâtiments. Le président Dmitri Medvedev a expressément pris ses distances, dans une interview parue vendredi, avec le régime soviétique « totalitaire » et les « crimes » commis par Staline. « Ce qu'il a fait à son propre peuple ne peut être pardonné », a-t-il souligné dans cet entretien au ton inhabituel pour un dirigeant russe et qui va dans le même sens que les signes d'ouverture de Moscou sur le dossier de l'exécution d'officiers polonais à Katyn sur ordre de Staline. Les ONG russes dénoncent depuis plusieurs années déjà ce qu'elles qualifient de réhabilitation rampante du stalinisme à l'instigation plus ou moins discrète des autorités. Mais l'ampleur même des célébrations organisées tout au long de la semaine en Russie pour la victoire de 1945 ne pouvait que donner un nouveau coup de fouet à cette vieille polémique, en dépit des efforts du Kremlin pour la minimiser. Des incidents ont ainsi été signalés cette semaine autour d'un bus à l'effigie du dictateur circulant à Saint-Pétersbourg ou de l'inauguration d'un buste en Ukraine. L'opinion publique russe elle-même demeure divisée au sujet de Staline. Une majorité de Russes (54%) dit admirer son leadership, selon un sondage publié en décembre 2009. Selon Lev Goudkov, directeur du centre de sondages Levada, l'ambiguïté de cette relation a été alimentée par le pouvoir qui s'en est largement servi pour faire vibrer la corde patriotique des Russes.