La dernière livraison de Kalila, la revue éditée par le Centre culturel algérien de Paris, vient de paraître, avec comme événements mis à la «une», la commémoration du 65e anniversaire des massacres du 8 Mai 1945. Trois historiens, Mohamed Harbi, Olivier Le Cour Grandmaison et Jean-Louis Planche ont fait des contributions pour aborder et expliquer ces massacres perpétrés par l'armée coloniale française aidée par des milices civiles, le jour même où la fin du second conflit mondial a été célébrée en grande pompe, en Europe. Dans ses Quelques réflexions sur les évènements de mai 1945, Mohamed Harbi écrit que «la politique française a créé en Algérie, une situation qui rend l'insurrection légitime. Mais si en 1945, le projet insurrectionnel agitait bien des esprits, les preuves d'une mise en oeuvre ont fait défaut. Aujourd'hui, c'est en admettant que l'Algérie française était impossible que le débat sur ces évènements entrera dans le domaine de l'histoire, une histoire reconnue de tous les gens honnêtes». Olivier Le Cour Grandmaison évoque le double sens de cette date du 8 mai 1945, celle de la victoire des alliés sur l'Allemagne nazie et celle des massacres et des violences barbares subis par les populations de Sétif, Guelma et Kherrata. «Deux histoires diamétralement opposées en même temps que liées l'une à l'autre, cependant que la première est exaltée et la seconde enfouie dans le bilan réputé positif de la colonisation, établi par Nicolas Sarkozy qui a rétabli, comme jamais depuis 1962, le passé impérial du pays afin de satisfaire les exigences d'un électorat ultranécessaire à sa victoire», écrit-il. Pour cet historien et universitaire, «une fois encore, en ce mois de mai 2010, ce passé n'a pas droit de cité du côté de la France, ni dans les discours des plus hauts responsables de l'Etat, ni dans ceux des dirigeants de la gauche parlementaire, ni dans la plupart des médias français». «Mépris, oubli, silence. Sinistre combinaison aux effets délétères. Jusqu'à quand?», s'est-il interrogé. Enfin, Jean-Louis Planche, auteur de l'ouvrage Sétif 1945: histoire d'un massacre annoncé, considère que cette page de l'histoire sur laquelle une chape de plomb s'est abattue n'est qu'«une illustration de la nature pathogène de la colonisation». Pour marquer le 65e anniversaire de ces massacres, le CCA a programmé une projection d'un film documentaire, Mémoires du 8 mai 1945 de Meriem Hamidat et de François Nemata, la présentation d'un ouvrage, Des chemins et des hommes de Mohamed Rebbah et d'un débat animé par les historiens Jean-Louis Planche et Gilles Manceron.