Près de deux semaines après la mort en détention du défenseur des droits de l'homme Kamel Eddine Fekhar, sa femme rompt le silence et s'exprime sur la tragique disparition de celui qui est désormais devenu le martyr du M'zab. Dans une déclaration rendue publique hier, Zahira Fekhar déclare que son mari «est mort dans des circonstances suspectes après avoir été arrêté une énième fois en raison de sa lutte pacifique». Sans détour, elle accuse ouvertement l'appareil judiciaire de Ghardaïa et le personnel médical de l'hôpital de la même ville. «Je fais porter la responsabilité de sa mort à l'appareil judiciaire de Ghardaïa et au personnel médical responsable du suivie de son état de santé à l'hôpital Tirichine Brahim», pointe-t-elle du doigt. Et dans l'espoir de faire la lumière sur les circonstances du décès de Fekhar alors qu'il était sous la responsabilité de l'autorité judiciaire, la veuve du défenseur des droits de l'homme interpelle les autorités politiques en leur demandant «de faciliter l'enquête judiciaire à la lumière de la plainte qui sera déposée par l'avocat Salah Dabouz et de la prendre avec le sérieux nécessaire». Elle précise à ce propos que la commission d'enquête diligentée par le ministère de la Justice n'a pas encore pris attache avec la famille du défunt. «Je réclame aussi de la prendre avec le sérieux requis et de déterminer sa position officielle et claire suite aux informations sur le déroulement d'enquêtes qui seraient initiées par le ministre de la Justice, sachant que nous n'avons jamais été ni officiellement informés ni entendus», révèle encore Mme Fekhar. Décidée à reprendre le flambeau de la lutte de son mari, Zahira Fekhar ne compte pas laisser la mémoire être instrumentalisée ou détournée pour rendre impossible l'éclatement de la vérité. Et c'est ainsi qu'elle demande avec force «aux associations et autres structures traditionnelles qui étaient instrumentalisées par le wali de Ghardaïa ainsi que par les autorités centrales et sécuritaires et à toute personne en détention d'informations utiles de respecter la mémoire du défunt et de présenter leurs témoignages sur les circonstances de la mort du défunt Kamel Eddine Fekhar, ou du moins, de ne pas couvrir les auteurs de sa mort programmée». Rappelant que seul l'avocat Salah Dabouz est «autorisé», en son nom, au nom de ses filles et de ses fils, à répondre à toutes les questions concernant les circonstances de la mort de son défunt mari, Zahira Fakhar somme «le Collectif des Mozabites d'Europe (CME) de cesser de se mêler du dossier du défunt Kamel Eddine Fekhar». Elle lui demande «d'avoir la décence de ne pas blanchir les personnes impliquées dans sa mort programmée dans ce qui ressemble plus à une pièce théâtrale scandaleuse, dont l'objectif est de servir les visés du pouvoir, si ce n'est d'exercer un chantage». Arrêté le 31 mars dernier en pleine insurrection citoyenne qui met le pays tout entier en mouvement pour le changement du régime politique, Kamel Eddine Fekhar a été renvoyé en taule pour la troisième fois depuis son engagement politique. Révolté par ce harcèlement permanent et ces emprisonnements jugés arbitraires, il entame une grève de la faim pour dénoncer cette énième privation de liberté. Un ultime acte de résistance d'un homme qui refuse de vivre dans la soumission. Il meurt dans des conditions tragiques. Son avocat, Salah Dabouz, a accusé ouvertement le procureur général de Ghardaïa et parle d'une «mort programmée».