Reporters sans frontières (RSF), organisation internationale de défense de la presse, a demandé hier aux chefs d'Etat arabes de lancer un appel en faveur de la libération de Florence Aubenas, journaliste au quotidien français Libération, et de son guide Hussein Hanoun Al Saâdi, pris en otages en Irak depuis le 5 janvier 2005, ainsi que celle des huit journalistes emprisonnés dans le monde arabe pour avoir exercé leur métier. Dans une lettre adressée au secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, RSF a estimé que « dans la quasi-totalité des pays de cette zone en allant du Maroc jusqu'à Oman, les délits de presse, notamment la diffamation, sont passibles de peines de prison, contrairement aux recommandations des Nations unies et aux standards internationaux en la matière ». Pour ces mêmes délits, huit journalistes croupissent dans les prisons arabes, à savoir Mohamed Benchicou (Algérie), directeur du quotidien indépendant Le Matin (suspendu), condamné le 14 juin 2004 à deux ans de prison ferme, Ahmed Benaoum (Algérie), directeur du groupe de presse Er raï El Aam, condamné le 3 juillet 2004 à deux mois de prison ferme pour « outrage à corps constitué » et pour d'autres affaires en diffamation pour lesquelles il est toujours en prison, Abd Al Munim Gamal Al Din (Egypte), incarcéré depuis le 21 février 1993, Abdullah Ali Al Sanussi Al Darrat (Libye), emprisonné sans inculpation ni procès depuis 1973, Anas Tadili (Maroc), directeur de l'hebdomadaire Akhbar Al Ousbouaâ, condamné le 1er juin 2004 à six mois de prison ferme et dans d'autres affaires en diffamation pour lesquelles il est emprisonné, Mohamed L. Ould Mahmoudi (Mauritanie), journaliste free lance inculpé d'« atteinte à l'image de marque diplomatique et économique » de la Mauritanie, incarcéré à la prison civile de Rosso le 16 mars 2005, Hamadi Jebali (Tunisie), directeur de l'hebdomadaire Al Fajr, organe du mouvement islamiste An Nahda, emprisonné depuis 1991 (il avait été condamné en 1992 par la cour militaire de Tunis à seize ans de prison pour « agression dans l'intention de changer la nature de l'Etat ») et Abdulkarim Al Khaiwani (Yémen), rédacteur en chef du journal Al Shoura, condamné le 5 septembre 2005 à un an de prison ferme pour diffamation. Dans sa lettre, RSF a demandé au secrétaire général de la Ligue arabe d'« encourager » les Etats membres à permettre « la libération » des journalistes actuellement emprisonnés pour avoir exercé leur métier, en rappelant toutefois le recours de ces Etats, à « des degrés divers », à des « méthodes répressives » envers les professionnels des médias. Devant ce constat amer, l'ONG a demandé aux dirigeants de cette région du monde « la mise en place de meilleures conditions » de travail pour que les journalistes « puissent participer à la constitution d'un système démocratique et de ce fait ne peuvent être exclus des processus de développement et de réformes mis en place par les pays de la ligue. Cela passe bien évidemment par une dépénalisation des délits de presse et une libéralisation des médias d'Etat ». L'organisation n'a cessé d'alerter sur la situation de la presse dans le monde arabe où les conditions d'exercice du métier de journaliste restent parmi les plus mauvaises dans le monde, notamment en Irak, où la pratique du journalisme reste la plus dangereuse du monde avec 23 journalistes tués alors qu'ils faisaient leur travail.