La journaliste française Florence Aubenas a disparu depuis une semaine en Irak. Les appels à sa libération se multiplient. Des intellectuels et des journalistes arabes créent un comité de soutien à la grande reporter du quotidien Libération. La soirée prévue demain à l'Institut du monde arabe par Reporters sans frontières devait être festive. Elle sera militante. Initialement organisée pour fêter la libération des deux journalistes français détenus en Irak, Georges Malbrunot et Christian Chesnot, la soirée deviendra un fort moment de mobilisation pour la journaliste de Libération Florence Aubenas et son guide-interprète irakien Hussein Hanoun Al Saâdi, disparus depuis le 5 janvier dernier. La mobilisation demeure très forte avec la multiplication des initiatives. Après l'appel de nombreux prix Nobel, dont Naguib Mahfouz et le Nigérian Wole Soyinka, et plusieurs intellectuels du monde entier, une vingtaine de journalistes arabes se sont constitués en « comité pour la libération de Florence Aubenas ». Dans son communiqué publié sur le site oumma.com, ce comité note : « Les journalistes considèrent Florence Aubenas comme une amie précieuse qui a toujours su être du côté des causes justes et dire avec courage ce qui peut déplaire aux puissants de ce monde. Elle est l'exemple même de la journaliste indépendante qui ose dire ce qu'elle voit, sans considération aucune pour les intérêts politiques ou partisans. » Parmi les membres de ce comité, la Tunisienne Sihem Bensedrine et nos compatriotes Hafnaoui Ghoul, Mohamed Mehdi, Ghania Mouffok, Salima Mellah et Sid-Ahmed Semiane. La guerre sémantique a commencé. Le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, s'est refusé à parler d'enlèvement. « Au moment où je vous parle, je ne parlerai pas d'enlèvement. Nous cherchons l'endroit où ils se trouvent. Nous sommes mobilisés. Nous cherchons des informations. Nous avons pris tous les contacts utiles », a-t-il déclaré, hier, dans un entretien avec la radio RMC. Emboîtant le pas au président Jacques Chirac et au Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, il a aussi mis en garde les journalistes couvrant l'Irak sur les risques d'enlèvement. « Les menaces d'enlèvement sont fréquentes. Elles ne cessent de s'accroître. Vous avez la responsabilité d'informer. Nous, pouvoirs publics, avons le devoir et la responsabilité de vous dire que l'Irak est un pays dangereux, très dangereux. » Ces recommandations ont créé une vive polémique. Le Parti socialiste, par la voix de son secrétaire général, a vivement critiqué le gouvernement sur l'envoi des journalistes en Irak. « Venant après les enlèvements de Georges Malbrunot et de Christian Chesnot, la question de la présence de la presse en Irak est posée, mais elle relève d'abord du seul choix des rédactions elles-mêmes et ne peut obéir à des recommandations politiques. L'absence de témoignage, c'est ce que veulent souvent les protagonistes d'un conflit. Et que penser d'élections, celles qui doivent théoriquement se tenir à la fin de ce mois, s'il n'y a pas d'observateurs pour en vérifier le déroulement ? », s'interroge François Hollande. Sur le terrain, l'ambassadeur de France en Irak a demandé de l'aide à l'une des principales organisations sunnites. « Nous avons promis de faire le maximum pour les (la journaliste et son guide) retrouver, mais jusqu'à présent nous ne savons rien sur l'identité des ravisseurs », a déclaré le porte-parole du comité des oulémas sunnites. Lors de l'enlèvement de Georges Malbrunot et de Christian Chesnot, les ravisseurs ont mis huit jours pour formuler leurs revendications.