Professeur à l'INSA de Lyon, Jean Paul Ancian est également spécialiste en préparation mentale et physique pour le compte des clubs professionnels et amateurs. L'auteur de Football en action et Football, une préparation physique programmée (édition Amphora) aborde pour El Watan l'importance du mental dans le sport de haut niveau et se penche sur le cas du joueur algérien qu'il a côtoyé avec la JSK. Pourquoi le mental est-il devenu si important dans le football d'aujourd'hui ? Dans le football moderne, on commence à se rendre compte que d'avoir un bon pied gauche ou un bon jeu de tête n'est pas suffisant. Il faut être capable de trouver la motivation pour savoir utiliser, au mieux, ses propres qualités. Le joueur doit pouvoir reproduire en match ce qu'il réussit à l'entraînement. L'actuel entraîneur du PSG, Antoine Kombouaré, que vous citez dans votre livre, affirme ne passer que 30% de son temps sur l'aspect technico-tactique. Le reste étant dévolu à l'humain. Le relationnel est-il la clé de la performance ? J'appelle cela les batteries mentales. Elles se chargent ou se déchargent en fonction du type de management de la relation à l'entraîneur et de l'environnement dans lequel évolue le footballeur. Si elles ne sont pas chargées au maximum, les qualités techniques ne s'exprimeront pas dans leur plénitude sur le terrain. Il peut s'agir de comportements anodins, comme une tape sur l'épaule, un coup d'œil, un sourire, un encouragement… L'entraîneur est là pour les potentialiser. Frédéric Kanouté expliquait l'élimination du Mali au premier tour de la CAN 2010 par un mental défaillant. Est-il indissociable du sport de haut niveau ? Complètement ! Le mental dans le sens de la concentration et de la motivation. C'est grâce à cela que le sportif peut aller au-delà de ses qualités. La constance mentale permet de se remotiver pour le match du championnat du samedi quand on a joué le mercredi une rencontre de Ligue des champions. Quand il n'existe pas d'envie collective, l'équipe joue en sous-régime. Vous avez déjà été en contact avec des joueurs algériens. Dans quel contexte était-ce ? A la demande de Jean Yves Chay, je suis intervenu une dizaine de jours en tant que préparateur physique et un peu mental auprès de la JSK, pendant la phase finale de la Ligue des champions africaine. C'était à Tikjda en Kabylie. Je les ai revus ensuite pendant une semaine en Suisse, à Anzère. Quels enseignements avez-vous tiré de cette expérience ? Je me suis bien senti. Les joueurs étaient hyper-réceptifs et avaient la volonté d'apprendre et d'avancer. J'ai constaté qu'il leur manquait un déficit athlétique et de puissance physique. Par ailleurs, la compétence technique individuelle existe. Mais collectivement, il y a nécessité de simplifier le jeu pour le rendre plus efficace. Lors du match du Caire et du Soudan, l'équipe algérienne s'est montrée particulièrement soudée. Comment avez-vous appréhendé le comportement mental des Fennecs ? Je savais qu'ils seraient motivés. Connaissant un peu la mentalité algérienne, je me suis demandé s'ils allaient être capables de gérer leur motivation dans le sens du trop-plein d'émotions. La paralysie peut survenir dans ce type de cas et neutraliser les batteries mentales. C'est la conséquence d'une mauvaise gestion de ses émotions et de l'incapacité à rester concentré pendant 90 minutes pour réaliser la performance. En Egypte, les joueurs ont pu se passer de l'entraîneur dès lors que l'honneur à défendre était en jeu. Je savais que le match serait « facile » au niveau de l'envie. La difficulté était de rester centré sur l'envie de gagner sans dépasser le contexte. Dans ce genre de cas, il peut y avoir un débordement d'envie qui se révèle négatif. Beaucoup de joueurs de l'équipe d'Algérie ont un mental bi-culturel. Leur formation en Europe leur permet de maîtriser ces excès. Les Algériens ont su trouver le juste milieu dans la gestion de leurs émotions et de la concentration. C'est ce que j'appelle l'autoroute de la performance. Ces joueurs sont capables des plus grands exploits. Le seul souci, c'est la constance. Pour le Mondial, l'équipe d'Algérie sera-t-elle en mesure de gérer tous les matchs avec la même motivation et le même partage collectifs ? La force mentale déployée au Caire et au Soudan peut-elle se réactiver lors du Mondial face à des adversaires de haut rang ? Du point de vue mental, la claque contre la Serbie est une bonne chose. Cela va permettre un retour sur terre. Le problème de l'exploit ponctuel peut jouer des tours. La répétition des efforts intenses et la constance doivent être les objectifs à atteindre. Il faut homogénéiser tous ces joueurs qui sortent de blessures ou qui sont en méforme en les rechargeant de manière motivationnelle et énergétique. Le levier mental de la défaite de Serbie peut être un bon outil pour Saâdane s'il joue sur l'orgueil algérien.