La bâtisse donne l'impression d'être entièrement abandonnée, n'était-ce la présence vigilante, et fort remarquée, d'une unité de la garde communale qui en assure la sécurité depuis le début de la décennie noire. La baie d'Arzew est balisée par deux phares. A l'ouest, c'est celui de la pointe de l'Aiguille, cette arête qui matérialise le cap Carbon, et à l'est celui de cap Ivi. Installé sur le flanc de la montagne, ce phare est visible par temps clair à plus de 120 kilomètres. Situé à 212 mètres au dessus du niveau de la mer, ses lumières étaient perceptibles depuis la côte espagnole. Il se trouve que, depuis plusieurs mois, le phare de Cap Ivi ne remplit plus sa mission au profit de la navigation maritime. L'ensemble du système lumineux, qui pouvait rayonner jusqu'au grand large, ne tourne plus. Recouvert d'une bâche, il ressemble à un cadavre abandonné, alors que, durant plus de 130 ans, il n'a cessé d'apporter réconfort et sécurité dans cette partie très sensible du golfe d'Arzew et de Mostaganem dont il délimite la partie orientale pendant que le phare du cap Carbon en délimite la partie occidentale. Sur place, la bâtisse donne l'impression d'être entièrement abandonnée, n'était-ce la présence vigilante, et fort remarquée, d'une unité de la garde communale qui en assure la sécurité depuis le début de la décennie noire et la menace terroriste. Ce sont, d'ailleurs, les sympathiques et dévoués gardiens qui nous accueillent avec le sourire tout en nous signifiant que les visites sont interdites. Ce qui ne nous empêchera pas de constater qu'une petite lampe de secours aura été installée au niveau du sémaphore. N'ayant ni la puissance, ni la maniabilité, ni la portée du système défectueux, elle peut à peine signaler la présence de la côte à l'intention des petites embarcations de pêche artisanale. Le gardien du phare nous assure qu'avec ses collègues, ils continuent de s'acquitter avec constance de leur travail même s'il admet que l'efficience du système de remplacement n'est pas la même que celle d'avant. On peut de suite constater que, malgré les efforts des éléments de la garde communale pour maintenir une propreté des lieux, il reste que l'état des bâtiments laisse craindre le pire. Les murs, les portes et les fenêtres attendent depuis des lustres un lifting qui tarde à venir. Il est incontestable que ce joyau d'architecture, dont les servitudes pour la navigation maritime et aérienne ne sont pas négligeables, est en proie à un laisser-aller qui le défigure hideusement. La peinture ocre, qui prend des couleurs subtiles au crépuscule, rappelle le lustre d'antan dont il ne subsiste plus qu'une furtive brillance. Dès l'entrée dans cette zone jadis rutilante, le visiteur ne peut ne pas être frappé par ce bâtiment dont la majestueuse présence semble irrémédiablement compromise. La terrible déchéance qui ne cesse de l'étreindre pourrait s'accentuer au point de devenir mortelle. Construit en 1878, il occupe un site historique d'où les premiers habitants de la contrée pouvaient contrôler tout mouvement de navires. En effet, le site archéologique du cap Ivi fait partie d'une série de postes d'observation qui jalonnent l'accès à la ville de Quiza, une véritable cité antique, construite à l'intérieur des terres.