Dans le dédale d'un jardin, il est des moments de grâce qui illustrent mieux que mille mots les « bienfaits d'une évasion mêlés au plaisir d'une pause », dit un sage. Mais ce n'est pas toujours évident, a fortiori lorsque ces petits édens se voient transformés en lieux où il n'est pas aisé de rentrer, l'espace d'un temps, en communion avec Dame nature et son exotique atmosphère. Le parc Beyrouth est devenu un dépotoir, le balcon St- Raphaël est transformé en bar à ciel ouvert, le parc de la Liberté est envahi chaque jour que Dieu fait – sauf le saint vendredi – par une escouade de couples laissant libre cours à leurs bas instincts en public, le jardin de Prague sert de réceptacle de jeunes qui viennent se shooter en toute insouciance… Les exemples sont légion dans ces havres de paix, parsemant joliment depuis l'époque coloniale le tissu urbain et synonymes, par ailleurs, de poumons de la cité grouillante et trépidante. L'on n'est pas au bout de son haut-le-cœur lorsqu'en sus de cet avilissement sérié en diagonale dans ces espaces ombragés, on fait intervenir un tractopelle pour arracher – pour on se sait quel mobile – des dizaines de palmiers chanvre presque centenaires qui procuraient ombrage dans le jardin de Prague. On déracine cette espèce de palmacée d'un lieu de farniente, offrant au quidam venu se requinquer une clairière en plein soleil. Mais ne faut-il pas un double soleil pour éclairer le fond de la bêtise humaine, pour reprendre la citation de Jean-Paul Sartre ? On a beau tenter comprendre le motif de cet acharnement sur ces palmiers. On a beau essayer percer ce qui se trame autour de ce jardin luxuriant où la calvitie et la dégradation gagnent au fil des jours son enclos. On a beau s'interroger si Bhirat Marengo n'est pas devenu un jardin d'essais où on extrait comme bon nous semble le patrimoine végétal. Vainement. Peine perdue. Soyez-en sûr, on ne vous pipe mot sur ce massacre aux relents d'un vol en règle d'un bien mobilier urbain. Personne ne vous mettra au parfum de ce délit cogité par quelque officine. Motus et bouche cousue. A l'image des pavés décaissés à la Casbah et dont on ne sait quelle tangente ils ont pris. Les édiles censés savoir ce qui s'opère dans leur géographie semblent vivre en ermitage. Gèrent la chose publique en vase clos. A défaut d'être au fait de toute opération orchestrée dans leur cité, ils font mine de ne rien voir. Ni le vol ni le massacre.