Opaque, sombre et laid. Abondant, immortel et gratuit. Le sachet noir, emblème de l'Algérie mal industrialisée et symbole de la primauté plastique de la forme sur le fond, a du mal à disparaître. Sa mort, programmée par les autorités judiciaires pour le 2 avril prochain, vient d'être différée au 2 juillet suite aux pressions exercées par ses avocats. Comme un condamné à mort dans le couloir du même nom et qui attend son exécution, le sachet noir a obtenu un sursis et rien ne dit qu'il n'en aura pas un autre. Va-t-il enfin mourir ou ne sont-ce que de nouvelles promesses semblables à celles qui ont annoncé la fin de la tuberculose et de la corruption étatique ? Car, et même si on l'a déjà souligné, en dehors du phénomène purement écologique qui a conduit aux images connues des champs de sachets comme s'il en poussait et du fameux arbre à sachets, hybride, que l'on rencontre dans les campagnes, la mort du sachet noir va servir à autre chose. Ce sachet noir, dans lequel l'Algérien cache ses achats, ses envies coupables et son statut social, va enfin devenir biodégradable, mais surtout passer au blanc et par là même amener l'Algérien à un peu plus de transparence. Avec la mort du sachet noir, à l'intérieur duquel résidait tout le mystère de la société, l'Algérien va devoir affronter la société et, surtout, ses voisins. Car les voisins sont connus pour être des envieux à l'œil mauvais et à la jalousie maladive. On a même vu des Algériens étrangler leurs voisins pour une histoire de voisinage. Avec un sachet noir, bien sûr. Car le sachet noir est aussi complice de nombreux crimes puisque, pendant les années du terrorisme, il n'était pas rare qu'un assassin cache son arme dans un sachet noir pour la sortir juste au moment de tirer et de la remballer aussitôt dans son étui à l'abri des regards. On ne dira jamais assez tout le mal qu'a fait le sachet noir.