Autant notre histoire reste opaque, autant les conflits apparus entre divers clans sont loin d'avoir épuisé leurs armes et arguments. De sources crédibles et recoupées, on apprend que la famille de Abane Ramdane a l'intention d'intenter un procès contre l'ancien président algérien, Ahmed Ben Bella. Ce dernier, est-il précisé, est accusé d'avoir «souillé la mémoire de ce grand dirigeant de la Révolution algérienne». Ahmed Ben Bella, pour rappel, avait annoncé sur les ondes de la chaîne qatarie Al-Jazeera que «la Révolution algérienne était d'essence islamique et arabe, (qu')elle avait surtout eu lieu grâce aux soutiens des Egyptiens et (que) le Congrès de la Soummam était une trahison puisqu'il a rayé de sa charte ces deux références essentielles». Ben Bella, ce disant, en fait officiellement assumer les responsabilités historiques et politiques à Abane Ramdane. Cette déclaration fait suite à celle d'un autre président algérien. Ali Kafi, qui avait trôné durant quelques mois à la tête du HCE (Haut Comité d'Etat) à la suite de l'interruption du processus électoral en janvier 92. Ali Kafi avait, rappelons-le, lancé des accusations similaires dans un livre qui vient d'être traduit en langue française. Ce dernier avait, lui aussi, fait l'objet d'une plainte au niveau du tribunal d'Alger. Il avait déclaré son incompétence à traiter le fond historique de cette affaire, et n'en avait pas moins ordonné à l'ancien président algérien de retirer de son livre, l'ensemble des passages jugés diffamatoires et attentatoires à la mémoire de ce grand héros de la guerre de Libération nationale. La sortie de Ben Bella, impromptue et inattendue, est venue relancer un débat que chacun pensait clos depuis les «déboires» judiciaires de Ali Kafi. Ben Bella semble même avoir donné du grain à moudre aux moulins des partis islamistes qui ont sauté sur cette occasion pour tenter, à leur tour, de mettre les caractères «islamiques» et «arabes» de la guerre de Libération nationale et du futur Etat indépendant qui devait en résulter. Le MRN, dans une déclaration rendue publique récemment, qualifie la sortie de Ben Bella de «témoignage historique qui revêt une valeur politique importante et très grande». Cette marque de soutien et de sympathie de la part de la première force islamiste du pays est encore plus apparente chez le MSP dont le porte-parole abonde littéralement dans le même sens en mettant en exergue la «grande disparité existant entre la déclaration du 1er Novembre et la charte de la Soummam». Mme Abane, réagissant à son tour, a accusé l'ancien président algérien d'être à la botte d'une certaine puissance étrangère. Des observateurs et acteurs de cette glorieuse époque rappellent que Ben Bella était attendu à ce congrès et qu'il aurait renoncé à y prendre part par peur de se faire prendre. C'est cette raison qui a fait que les congressistes ont adopté la primauté du politique sur le militaire et de l'intérieur sur l'extérieur, ce qui n'a pas été au goût de tout le monde, ouvrant la voie à pas mal de conflits, parfois fratricides. De son côté, Rédha Malek, autre historique, ancien chef de gouvernement, a réagi, hier, dans une déclaration pour remettre en place Ben Bella en précisant, arguments à l'appui, que «la plate-forme de la Sommam était la continuité logique de la déclaration du 1er Novembre». Et de préciser que si cette plate-forme rejetait toute idée de théocratie, la déclaration, elle, n'en demeurait pas moins exigeante sur la question puisqu'elle parlait explicitement du «respect de toutes les libertés fondamentales, sans distinction de race et de confessions». Rédha Malek, peu désireux de verser dans la polémique, mais seulement de remettre les pendules à l'heure termine ainsi sa déclaration: «Il est regrettable que sous le faux prétexte de clarifier certains épisodes de la Révolution algérienne, on n'en arrive qu'à les obscurcir davantage en recourant à la polémique et à l'anathème.» La polémique, qui semble n'être qu'à ses débuts, promet pas mal de rebondissements dans les prochains jours ou prochaines semaines.