Que ce soit à Aïn Ferah, Zelamta, Guerdjoum, Mamounia, Aouf, Gharous, Feraguig, Mocta Douz, Mascara, Tighennif, Mohammadia, Sig ou Sidi Abdeldjebar, pour ne citer que ces localités, de nombreux jeunes vivent les mêmes souffrances et mènent les mêmes luttes contre l'ennui, l'oisiveté et la déprime qui les suivent du matin au soir. L'oisiveté use et stresse terriblement les adultes comme les jeunes à Mascara. Partout, tout le monde est livré à la morosité et au désœuvrement. Que ce soit à Aïn Ferah, Zelamta, Guerdjoum, Mamounia, Aouf, Gharous, Feraguig, Mocta Douz, Mascara, Tighennif, Mohammadia, Sig ou à Sidi Abdeldjebar, pour ne citer que ces localités, de nombreux jeunes vivent les mêmes souffrances et mènent les mêmes luttes contre l'ennui, l'oisiveté et la déprime qui les guettent du matin au soir. Rongés par l'oisiveté, des jeunes ou adultes, des chômeurs ou employés, n'ont qu'un seul rêve en commun : fuir cette immense prison par tous les moyens et trouver d'autres cieux plus cléments. «Je travaille ici et là pour réunir la somme qui me permettra de payer ma traversée. On meurt à petit feu ici», témoigne Kada, 26 ans, orphelin de père depuis sa petite enfance. «Rani m'digouti (Je suis dégouté)», «Rani Karah, malkitch win n'rouh» (je suis écœuré, je n'ai pas trouvé où aller) ou «Ghir haba haloua li tesselek» (seul un comprimé d'ecstasy pourrait me sauver) sont parmi les nombreuses déclarations exprimées au quotidien par de nombreux citoyens, notamment les jeunes, qui reflètent l'état d'esprit d'une jeunesse en désarroi. L'absence de lieux de loisirs ou de détente est flagrante. Les jeunes se retrouvent devant un vide terrible et difficile à combler. «Où veux-tu qu'on aille ? Il n'y a rien ! Le chômage d'un côté et le dégoutage de l'autre. Je ne sais pas quoi faire, je suis perdu !», nous lance Samir, 24 ans, debout, le dos collé au mur d'un bâtiment et une cigarette non allumée à la main. Samir, comme beaucoup d'autres jeunes et moins jeunes de Mamounia, s'adonne à la consommation de kif traité. «Partager quelques joints de kif avec des amis est une nécessité pour se détendre et se désinhiber», nous dit-il. Et d'ajouter : «A Mamounia où l'ennui et le manque d'espoir battent leur plein, la consommation du kif et des psychotropes est le moyen à portée de main des jeunes pour s'évader temporairement d'une réalité angoissante.» L'absence de moyens de distraction est criante. «Regardez (il pointe du doigt la bibliothèque municipale) l'unique salle d'internet à Mamounia est fermée au public, les terrains de football de proximité sont payants. À Mascara, la ville la plus proche de nous, aucune salle de cinéma n'est ouverte. Seuls les cafés maures qui poussent comme des champignons et qui affichent complet à longueur de journée, nos seuls refuges, sont ouverts.» C'est le même calvaire que vivent de nombreux jeunes du chef-lieu de la wilaya. Mis à part les rencontres au café, les gens meurent d'ennui. «Comme beaucoup de jeunes oisifs, je passe des heures à scruter les passants pressés ou nonchalants à Rekaba (lace Ibn Badis, au centre ville de Mascara) ou à déambuler, en groupe ou parfois seuls, d'un café à l'autre à la place Emir Abdelkader pour faire passé le temps. C'est difficile de supporter autant d'ennui», relate d'un air déçu, Khaled, jeune chômeur diplômé en littérature anglaise. Même les jardins publics, lieux de repos ou de halte, ont été détournés de leur vocation et transformés en cafétérias ! Ils ont été loués, à des prix symboliques, à des «investisseurs» qui, au lieu de mettre en place des boutiques à l'intérieur de ces espaces verts qui permettraien aux citoyens d'avoir des bouquets et autres compositions florales, ont construit des kiosques, en dur et en charpente métallique, pour abriter des cafétérias et autres crémeries ! «Mascara et ses douars pour ne pas dire communes ne sont que des villes-dortoirs. C'est du jamais vu, les rares espaces verts ont été attribués à des privés, les salles de cinéma ne projettent rien, le théâtre régional est fermé au public, aucune activité culturelle ou artistique n'est proposée», commente Aïssa. La situation est dramatique dans les régions isolées à savoir Aïn Ferah, Zelamta, Gharous, Menaouer, Sidi Abdeldjebar et autres localités où l'oisiveté fait des ravages auprès des jeunes. «Dans certaines régions, les infrastructures culturelles et sportives existent mais elles sont mal gérées notamment les bibliothèques municipales où les ouvrages mis à la disposition des lecteurs, notamment des étudiants, s'avèrent de moindre importance et ne répondent pas aux besoins recherchés», a indiqué un professeur de l'enseignement moyen exerçant dans la localité de Zelamta. Et d'ajouter : «L'absence de connexion internet, malgré la disponibilité des équipements informatiques au niveau de ces endroits de savoir et de divertissements, est fortement dénoncée par les jeunes de ces régions.» Pis encore, la décision relative à l'application des nouveaux horaires de fonctionnement des bibliothèques, dont l'objectif est de permettre aux étudiants et autres amoureux de la lecture de profiter des services que proposent ces lieux, n'a jamais été respectée. Toutes les bibliothèques situées dans les communes ferment à 16h30 au lieu de 21h comme le stipule l'instruction de l'ancien wali de Mascara. «Il n'y a pas de raison de rester ici. Rien n'est sûr dans ce pays ! Je ne veux pas terminer en prison ou à l'hôpital psychiatrique. J'attends, comme des milliers d'autres jeunes et moins jeunes, la première occasion pour fuir la misère, l'ennui et l'injustice» nous a confié un jeune artiste lors du 38e vendredi du hirak.