Ce film majestueusement rythmé par la musique du pianiste Frank Fernandez s'ouvre des les ombres furtives d'un commandante en pleine fusion populaire, la caméra s'invite et revisite les détails des mains burinées par des années de luttes et de combats, les réflets d'une barbe symbole des porteurs de l'idéal communiste, un cadrage focalisant sur les galons d'un chef militaire toujours debout, aux pas sereins et sûrs. Les emblèmes de la République de Cuba et celui du 26 juin renforcent toute une charge émotionnelle et flottent dans le ciel d'une île belle et rebelle. L'homme qui a marqué de son empreinte le paysage audiovisuel cubain à pour nom Roberto Chile. L'homme qui a immortalisé le leader révolutionnaire Fidel Castro Ruz. Chile, le jeune citadin de la Havane, a entamé ses études universitaires en Pologne en 1973, une formation suivie d'une maîtrise à l'Institut technologique Osvaldo Herrera où il s'est spécialisé dans les systèmes radiophoniques. Son cursus universitaire a été sanctionné d'un diplôme d'ingénieur en télécommunications à la prestigieuse école Cuajae. Sa vie active au sein de la télévision a pris son envol en 1977 où il a pu rejoindre ce média lourd grâce aux conseils de son frère Ramon ; ainsi la passion pour la caméra et l'image se cristallisait autour des petits choses de la vie, comme la nature, la ville, la flotte de pêche, une première expérience audiovisuelle couronnée d'un premier succès en 1984 avec son premier prix baptisé Caracol, ou le premier Escargot, une distinction honorant les meilleures productions télévisuelles. Le petit mollusque a continué à caracoler pour rafler d'autres prix, comme celui de Maximo Gomez en 1998 récompensant son projet intitulé «Alas con Puntas», qui est en fait une installation artistique, une performance à laquelle a pris part une brochette d'artistes de la capitale, à l'image des Franklin Alvarez, Kamyl Bullaudy, Luis Enrique Camejo, Nelson Dominiguez et tant d'autres. Une démarche artistique éclectique dévoilant une richesse d'approches et une originalité de l'esthétique des images diffusées à travers des postes téléviseurs superposés. Cet atelier artistique a été résumé par Monsieur Chile avec toute une métaphore de sens : «Les ailes ont des pointes et quand je les étire et que je les rejette, je m'envole dans ma calvitie.» Cinq ans après, le réalisateur Roberto Chile a été récipiendaire d'un prix pour son travail sur les importantes conditions des hommes et des femmes au sein de la société. En 2004, le palmarès de ce photographe hors du commun a été enrichi de la distinction pour la culture nationale suivi des années après de la grande récompense du prix José Marti du journalisme. Le cinéaste Roberto Chile a été un grand passionné de la photographie, des arts plastiques, et de toutes formes de créativité ; sa filmographie à la télévision cubaine se distingue par toute une production dédiée aux arts plastiques et aux pionniers de la peinture à Cuba. Par ailleurs, il a consacré plus de quarante courts-métrages aux multiples thématiques, ses formats ont capté l'intérêt d'une bonne partie de l'audimat à Cuba, et cette notoriété de faiseur d'images a été saluée par le grand historien de la ville de La Havane, Eusebio Leal Spengler : «Robeto Chile a forgé une éternelle image, une image digne et lumineuse de Cuba, une permanente image d'un univers où règnent la foi et la spiritualité, dédiée à tous ceux qui sont comme lui, ceux qui sont capables d'aimer.» Les photographies de Roberto Chile ont agrémenté les cimaises des grandes galeries et autres salles d'exposition à travers le monde, nous citons à ce titre la magnifique exposition en hommage aux racines africaines de la culture cubaine, ou «Cuana Bacao-Cuba», une exposition itinérante qui a élu domicile en 2011 au musée afro-américain en Californie, une année décrétée par l'Unesco à la demande de Cuba année des descendants africains. Roberto Chile, qui est considéré comme l'un des grands réalisateurs cubains, celui qui a immortalisé l'icône du Che à travers son film Sencillamente Korda. Il a consacré une belle œuvre audiovisuelle à une autre figure emblématique de la Révolution cubaine, Fidel Castro ; un documentaire d'une heure dans lequel le réalisateur nous invite à vivre le temps d'une projection au rythme d'une singulière séquence historique, celle de la marche d'un peuple vers le progrès malgré les effets dévastateurs de l'embargo. Considéré parmi les rares cinéastes qui ont eu le privilège d'accompagner le président cubain Fidel Castro, il fut son cameraman personnel qui a honoré la mémoire d'un monstre sacré de la politique internationale ; le travail cinématographique prend fin avec un plan chargé d'une grande émotion, celui de son dernier discours de 2006, un discours précédé de toute une galerie de postures et de démarches valorisant l'homme et le chef d'Etat. L'un des moments forts de ce film intitulé Fidel es Fidel est l'accueil chaleureux réservé à l'enfant Elian repêché d'un naufrage en pleine Floride, la caméra de Chile capta ce moment d'échange et d'affection, une scène où l'on découvre la passion du leader cubain pour la lecture. Elian, qui a reçu un livre dédicacé par Fidel, a pour sa part dessiné des fleurs, des maisons et des soleils gracieusement élaborés à l'intention du père de la nation. Fidel Castro fut un grand lecteur, son ami, le lauréat du prix Nobel, le colombien Gabriel Garcia Marquez a toujours été impressionné par cette grande qualité qui a permis au président cubain de qualifier le roman Chronique d'une mort annoncée d'ouvrage réglé comme les aiguilles d'une montre. Cette passion de Fidel pour la lecture est en fait outillée par le révolutionnaire de la Sierra Maestra pour ignorer voire narguer l'impérialisme où il le dit haut et fort dans les séquences sélectionnées dans le documentaire : «Au moment où vous vous acharnez contre nous, on profite du temps pour lire des livres et écrire, une manière de dire que le savoir seul est en mesure de résister aux forces du mal». Ce documentaire qui a enchaîné des plan tournés au ralenti et d'autres cadrages serrés est le propre d'une saisissants dramaturgie ; son but, faire irruption dans l'intimement fort et passionnant et comprendre cette mécanique de la communion entre un chef charismatique et son peuple. L'ambassade de la République de Cuba a Alger a également commémoré le 3e anniversaire de la disparition de son président Fidel Castro, une opportunité pour diffuser le film du réalisateur photographe Roberto Chile auprès d'un parterre d'ambassadeurs, de membres du corps diplomatique, des cinéphiles, des journalistes et des amis de Cuba. Le nouvel ambassadeur de Cuba en Algérie, S. E. M. Armando Vergara Bueno, a rappelé dans une courte allocution de bienvenue les relations privilégiées unissant Fidel Castro au peuple et aux autorités algériennes, un creuset de lutte et de solidarité remontant à l'arrivée de la première équipe médicale cubaine à Alger en 1963, une occasion pour M. Armando de valoriser l'immense héritage légué par le Père de la Révolution cubaine et l'irréversibilité de la voie tracée vers plus de socialisme et d'humanisme. Cette figure emblématique de la politique internationale du XXe siècle s'avère un spécialiste de la com, gestuelle maîtrisée, mouvement des mains réajustés au rythme des postures pensives clamant le dernier serment du Che : «En avant vers la victoire !» ; des séquences de discours enthousiasmées devant une masse en apothéose. Un film découpé en plusieurs séquences ponctuées de «noir de transition» invitant le public à replonger dans cette espèce de romantisme révolutionnaire rehaussé par des fortes interventions à l'occasion de la célébration du 137e anniversaire de la naissance de José Marti. Le film s'arrête aussi sur l'image d'un Castro sous une pluie battante à Holguin, à l'est du pays, exhortant le peuple à s'inspirer de l'idéal de la figure mythique de l'indépendance cubaine. Fidel Castro, très à l'aise dans son costard-cravate, ranime les travaux du 12e sommet des Non-Alignés à Durban, en Afrique du Sud, où figuraient les icônes de la liberté, Yasser Arafat et Nelson Mandela, ce dernier pris dans une ambiance de chants zoulous pimentés des youyous rappelant les résistances des camps de Soweto. Les speechs sélectionnés par Roberto Chile font référence à des symboles de l'antiquité, à ce duel du gladiateur, et son salut vers l'éternité. : «Hail César, ceux qui sont en face, la mort vous salue !» ; des mots fortement ovationnés par un peuple acquis au socialisme, le leitmotiv libérateur redonne du souffle à l'homme qui hausse le ton et martèle : «Le révolutionnaire n'abandonne pas la bataille !» La projection en Algérie de Fidel es Fidel a été bien accueillie par les présents, qui ont souhaité voir d'autres film abordant le passage de Fidel Castro Ruz et sa rencontre avec le président algérien Houari Boumediène, ses bains de foule à Alger, à Oran, et ces moments inoubliables avec le commandant de l'ALN, Mohand Oulhadj, sans oublier la scène qui a vu l'hôte de l'Algérie monter un des plus beaux dromadaires du Sud algérien. Cette soirée hommage du départ vers l'immortalité de Fidel Castro Ruz nous a replongés dans ces chroniques de lutte, de révolution et de dignité humaine, une séquence historique où la vie a pris le dessus sur la mort. VIVA FIDEL VIVA .