La wilaya de Boumerdès n'aura donc pas connu de répit. Rapts, assassinats, attentats à l'explosif, embuscades, attentats kamikazes et autres exactions sont le lot quotidien des populations dans cette partie du pays. Il y a près d'un mois, les gendarmes installés au cantonnement de Ammal, au sud-est de la wilaya de Boumerdès, à l'entrée des gorges de Lakhdaria, wilaya de Bouira, ont vaillamment résisté à un assaut lancé par un groupe armé. Quatre éléments au moins ont perdu la vie dans cette énième attaque contre les services de sécurité dans cette région. Les terroristes avaient soigneusement préparé leur action et n'étaient le courage et la bravoure des gendarmes, ainsi que l'intervention de l'armée par la suite, il y aurait eu un carnage. Il y a près d'une année que les terroristes ne se sont pas attaqués de manière aussi osée aux forces de sécurité. Leur dernière embuscade meurtrière remonte à juin 2009, lorsqu'une escorte de la BMPJ, qui assurait la sécurité du convoi transportant les copies des examens du BEM à Timezrit, une commune située à 45 km à l'est de Boumerdès, a été prise dans une embuscade où l'on a déploré la perte de 8 policiers et 2 enseignants. A la mi-mai dernier, 2 gendarmes et un civil ont perdu la vie, tandis que 15 citoyens au moins ont été blessés dans un double attentat à la bombe artisanale au chef-lieu de daïra de Baghlia, à quelques centaines de mètres de la brigade. Quelques jours plus tard, l'horreur s'est déplacée à Si Mustapha où un convoi de l'armée a été attaqué à la bombe artisanale. Deux militaires ont été tués et une vingtaine d'autre blessés dans cet attentat. Le 10 février dernier, 2 militaires sont morts et 5 autres ont été blessés dans un attentat similaire à Tissera (Afir), à l'extrême est de la wilaya. Au début du mois d'avril, une patrouille de la gendarmerie a été attaquée à Tidjelabine : le mitraillage de leurs véhicules après l'explosion d'une bombe artisanale a fait 2 morts et 5 blessés. Le 25 juin dernier, 2 autres militaires ont péri dans un attentat à la bombe à Naciria. Ceci pour ne citer que les attentats les plus récents, à même de donner une idée sur l'étendue du problème. Car en 2007, on a enregistré plus de 50 attentats à la bombe dans la seule wilaya de Boumerdès. Et il y en a eu presque autant durant le premier semestre seulement de l'année suivante (2008). 2009 et 2010 n'auront pas été paisibles pour la population et les forces de sécurité : il ne se passe pas une semaine sans qu'un attentat à la bombe ne soit signalé. Zone charnière La wilaya de Boumerdès n'aura donc pas connu de répit. Rapts, assassinats, attentats à l'explosif, embuscades, attentats kamikazes et autres exactions commises sont le lot quotidien des populations isolées dans cette partie du pays. Des hommes et des femmes directement ciblés ou victimes collatérales de la dégradation de la situation sécuritaire y laissent leur vie à une cadence effrénée, mais qui n'a pas encore suscité une réaction à la mesure du drame de la part de l'Etat, qui a le devoir d'assurer la sécurité des biens et des personnes. Le terrorisme persiste dans cette zone charnière entre la capitale, Alger, et la Kabylie, malgré un maillage sécuritaire qualifié d'important. La dégradation de la situation est telle qu'on enregistre des cas d'accident et d'atteinte aux droits fondamentaux : pas moins de 5 citoyens ont été victimes des tirs des forces de sécurité au niveau des barrages de contrôle routier tandis que d'autres sont tués par erreur lors d'opérations de ratissage ou de reconnaissance (des cas à Naciria, Legata, Timezrit, Souk El Had et Khemis El Khechna). En outre, dans presque toutes les sessions criminelles de la cour de Boumerdès, des citoyens poursuivis dans des affaires de terrorisme sont relaxés après des mois, voire des années de détention, pour absence de preuves des chefs d'inculpation retenus contre eux. S'il faut saluer le courage des magistrats qui prononcent l'acquittement de ces innocents, il n'en demeure pas moins que, par erreur, ceux-ci font de la prison. Ce qui risque de représenter le tournant de leur vie. Aussi, près de 4 ans après l'entrée en vigueur de la loi portant réconciliation nationale, Boumerdès est loin d'être « pacifiée ». Dispositifs peu efficaces On constate une certaine incapacité à éradiquer ce fléau et une propension à faire encore des concessions aux groupes terroristes dans cette partie du pays. La preuve : la RN24 demeure fermée dans sa partie reliant Dellys à Tigzirt (Tizi Ouzou) au niveau de la forêt de Mizrana depuis 15 ans. Les maquis de Sidi Ali Bounab, Ghazeroual, Djerrah et Mizrana sont inaccessibles aux forces de sécurité, incontrôlables malgré l'installation des cantonnements militaires à l'orée, et parfois jusqu'à une certaine profondeur, de ces forêts. D'ailleurs, c'est d'ici qu'étaient partis les kamikazes qui ont ébranlé Alger le 11 décembre 2007.En outre, cette année, l'Etat a décidé de ne pas ouvrir le centre d'examen de Timezrit (Sidi Ali Bounab) suite à l'attentat perpétré l'année dernière contre les forces de police mobilisées pour assurer la sécurité et qui avait fait 10 morts parmi la police et le corps surveillant. On a préféré envoyer les candidats au BEM à Bordj Menaïel, à plus de 20 km de leur lieu de résidence. Ce recul face aux groupes terroristes n'est pas de nature à rassurer la population. A défaut d'anéantir les terroristes dans les zones qu'ils infestent, le pouvoir s'attelle à les empêcher d'accéder à la capitale. Les bouchons qui se forment à l'approche des barrages de la gendarmerie sur la RN5, à Boudouaou et Réghaïa, en disent long, selon beaucoup d'observateurs, sur les priorités du gouvernement. La source du mal est localisée, mais on peine à traquer la bête immonde jusqu'à l'épuisement dans les maquis de Kabylie comme Djerrah (Aït Amrane), Mizrana (Afir Tigzirt), Sidi Ali Bounab (Timezrit, Naciria, Tadmaït, Aït Yahia Moussa, Draâ Ben Khedda), Ghazeroual (Sidi Daoud, Baghlia) et ailleurs. Les coups portés par les forces de sécurité aux groupes terroristes activant dans la région n'ont malheureusement pas été déterminants. A chaque fois, l'ex-GSPC arrive à se restructurer pour frapper à nouveau. Et le terrorisme continue d'endeuiller cette région du pays qui est aujourd'hui exténuée. Même les groupes d'autodéfense et de patriotes qui étaient le fer de lance de la lutte antiterroriste depuis le milieu des années 1990 sont dissous ou marginalisés. Les éléments des forces de sécurité présents sur le terrain consentent des sacrifices énormes pour accomplir leur mission, mais des actes politiques lourds de conséquence sont commis et parasitent tout effort de lutte sérieuse contre le terrorisme. L'Etat s'est vite redécouvert une ferveur pour défendre le projet d'islamisation de la société. En témoignent les déclarations du wali, M. Merad, à propos des établissements commercialisant des boissons alcoolisées : « Jamais je n'accorderai d'autorisation et j'en fermerai à chaque fois qu'il m'est possible de le faire », avait-il répondu à un élu islamiste de l'APW l'interpellant à ce sujet. La matrice idéologique continue d'alimenter les cercles de l'intolérance et les maquis. Et l'école accompagne fidèlement cette œuvre de destruction massive.