La Cimade, service œcuménique d'entraide, a enquêté pendant plusieurs mois sur les pratiques des consulats de France de six pays, en matière de délivrance de visa (Algérie, Sénégal, Mali, Turquie, Ukraine et Maroc) et a dressé un constat accablant des pratiques. Liste des documents aléatoires, décisions arbitraires, politique floue, l'association n'a pas de mots assez durs sur la politique de la délivrance de visa. Paris. De notre correspondant Désormais, les refus des pays de l'espace Schengen de délivrer un visa de court séjour seront motivés à partir du 5 mars 2011, a annoncé vendredi le ministère de l'Immigration. Le ministère répondait à une enquête de la Cimade sur les « pratiques consulaires en matière de délivrance de visa » menée dans six pays (Algérie, Mali, Maroc, Sénégal, Turquie, Ukraine). L'Algérie détient les plus forts taux de refus en 2009 (Annaba avec 47,82% et Alger 43,98%), suivie de la Guinée et Kinshasa (RDC). Toujours en 2009, les Russes ont été la première nationalité pour le nombre des visas de court séjour délivrés (253 112), suivis des Chinois (170 188), des Marocains (151 509) et des Algériens (130 013). « Entre l'impossibilité d'accéder au consulat, le flou complet des documents à produire dont la liste inexistante ne cesse de changer selon l'interlocuteur, l'argent qu'il faut verser et qui n'est pas remboursé, même si la demande est refusée, le soupçon de corruption, les délais d'instruction extrêmement variables, les refus oraux sans explication ni motivation, les informations erronées sur les voies de recours quand le demandeur a la chance d'obtenir une information, on ne sait plus à la fin ce qui apparaît comme le plus choquant », estime la Cimade. Un consulat pourra ainsi en toute discrétion réclamer la présentation d'un billet d'avion, que le demandeur devra acheter et annuler à ses frais en cas de refus. Une règle est cependant commune à tous les pays : aucun consulat n'est tenu de motiver ses décisions. Selon le ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, le code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) liste, déjà, la catégorie des demandeurs pour lesquels un refus doit être motivé : les membres de famille de Français, de personnes venant dans le cadre du regroupement familial et des enfants adoptés. Le Ceseda définit aussi, selon le ministère, la liste des documents à fournir à l'appui d'une demande de visa. C'est, souligne-t-il, une liste « publique et uniforme » qui « découle du code frontière Schengen ». Fichier géant ou Big brother Les pays de l'espace Schengen mettent en place un fichier contenant des renseignements concernant cent millions de demandeurs de visas, « sans aucune garantie pour la confidentialité » des données recueillies, s'alarme la Cimade. Dans le cadre de la mise en place de la biométrie, « le plus grand fichier au monde est en constitution par les pays de l'espace Schengen » qui vont y insérer dans cinq ans les données concernant cent millions de demandeurs de visas « qu'ils aient ou non obtenu le document », s'indigne l'association. « Au nom de la lutte contre la fraude et de la sécurité, les gouvernements européens fabriquent une société policière dans laquelle les faits et gestes de tout un chacun peuvent être contrôlés, consignés et communiqués », dénonce l'ONG. Pour la France, 101 postes consulaires ou diplomatiques sont équipés pour délivrer des visas biométriques. Le système doit être généralisé au 1er janvier 2012, selon la Cimade.