La baisse des cours du baril américain lundi dernier, qui affichait l'ahurissant prix de -37,63 dollars pour les contrats en mai, a jeté l'effroi sur un marché pétrolier déjà très incertain. Les jours de confinement sont durs pour l'économie mondiale mais surtout pour les économies de pays comme l'Algérie qui dépendent de la seule vente des hydrocarbures. Ce qui se produit actuellement sur le marché pétrolier, et surtout l'historique plongée des cours du brut américain, montre à quel point l'impact des fluctuations des prix est dévastateur. Des producteurs américains se sont retrouvés obligés de payer pour vendre leur pétrole. La baisse des cours du baril américain lundi dernier, qui affichait l'ahurissant prix de -37,63 dollars pour les contrats en mai, a jeté l'effroi sur un marché pétrolier déjà très incertain. Le cours du Brent en cotation à Londres a suivi la même courbe descendante hier et a atteint son plus bas niveau en 20 ans, avec 18,10 dollars le baril, avant de marquer une légère remontée pour avoisiner les 21 dollars. Que fera l'Algérie sans ses recettes pétrolières ? Comment arrivera-t-elle à résister face à ce vent qui fragilise même les puissants ? Avec un baril du Sahara Blend oscillant entre 14 et 20 dollars, et un besoin de 100 dollars le baril pour équilibrer ses budgets, l'Algérie aura fort à faire pour faire face à ce qui adviendra. Il est impératif de trouver des alternatives rapides à la vente d'hydrocarbures car la tendance actuelle sur le marché ne peut espérer une remontée des cours dans l'immédiat. La très faible demande mondiale sur le pétrole et la réduction des capacités de stockage ont fini par pousser au plus bas les cours avec des niveaux de plongeon historique pour le baril américain et jamais égalés depuis décembre 2001 pour le Brent. Ces fluctuations des cours risquent de durer encore tant que la demande restera à des niveaux très faibles sous l'effet du confinement et de l'interdiction des déplacements, notamment aériens. La forte pression sur les capacités de stockage a pesé de son poids sur les prix et a marqué la séance boursière américaine de lundi, qualifiée d'inédite. Les prix du pétrole américain pour livraison en mai sont tombés sous la barre du zéro. Hier, une légère brise a soufflé sur les prix de livraison en juin du baril américain, qui sont remontés à la surface avec 16,80 dollars, contre -37,63 dollars la veille à New York. La situation reste toutefois tendue avec des niveaux de cours toujours faibles et bien en deçà des espérances des vendeurs. Si le Brent en cotation à Londres à quelque peu résisté durant la séance de lundi, son prix est loin de satisfaire les producteurs. Washington a annoncé une possible interruption des livraisons de pétrole en cours en provenance d'Arabie Saoudite, pour soutenir l'industrie pétrolière américaine. Une annonce qui ne réjouira pas Riyad et qui a commencé à avoir une influence directe sur les prix du Brent. L'administration américaine avait, à la veille de la chute vertigineuse des prix lundi, martelé sur la nécessité de reprendre l'activité économique en mettant fin au confinement. La chute des prix sonnait comme un prétexte pour justifier de la fin du confinement et de l'urgence de la reprise de la vie économique. Du côté russe, Dimitri Medvedev pointe d'ailleurs du doigt une entente du type cartel derrière cette chute vertigineuse des prix et appelle à des mesures pour calmer le marché. Le surplus de production de brut ne trouve plus d'acquéreur et la saturation des stocks risque du durer. L'effondrement des prix des contrats à terme montre la gravité de la crise pétrolière et l'inutilité des mesures de réduction de la production par une partie seulement des producteurs. Les capacités de stockage, surtout aux Etats-Unis sont, saturées et le niveau important de la production n'a pas encore trouvé preneur avec la fermeture des frontières. L'impact psychologique de ce lundi noir perdurera, indique Olivier Jakob, directeur général de Petromatrix GMBH. «La chute des contrats en juin pour les indices du brut aux Etats-Unis et à l'international montre que les producteurs ressentiront une douleur intense pendant un certain temps.» «Une fois que vous avez des prix négatifs pour le pétrole brut, les limites changent totalement… Ce qui s'est passé lundi a été extrêmement mauvais pour la confiance dans le marché à terme. Ce n'est plus seulement un retour au trading normal. C'est un frein à la confiance», précise le même expert à Bloomberg. Aujourd'hui le taux de remplissage des stocks est à 80%, selon le fournisseur de données Natural Gas Intelligence. Selon le cabinet Rystad Energy, la capacité restante à Cushing, ville de l'Oklahoma où sont stockés les barils de référence au WTI, est de seulement 21 millions de barils. Selon l'AIE, l'agence américaine d'information sur l'énergie, les stocks de brut ne cessent d'augmenter depuis la mi-janvier aux Etats-Unis, pour atteindre 500 millions de barils. «De quoi provoquer un électrochoc aux producteurs de pétrole et les inciter à agir de manière significative pour soutenir les prix», estime Fiona Cincotta, de Gain Capital. La décision de l'OPEP+ de réduire l'offre de pétrole s'avère insuffisante pour calmer le marché puisque la demande reste insignifiante. La surréaliste quête d'acheteurs à pousser les producteurs à vendre à perte et même à payer pour trouver preneur pour leurs nombreux barils. «Jamais nous n'avions observé un effondrement aussi brutal de la demande de pétrole. On estime aujourd'hui que celle-ci a diminué entre un tiers et un quart», précise Matthieu Auzanneau dans un entretien au journal français L'Obs. Des analystes nuancent toutefois l'effet de ce lundi noir, et estiment que les prix des contrats du mois de mai ne peuvent être la seule référence pour les mois à venir. Toutefois la tendance actuelle du marché est vers la stagnation de la demande et donc les prix auront du mal à retrouver des seuils acceptables pour les pays producteurs. Les pays sont aujourd'hui devant le difficile dilemme de garder le confinement pour sauver des vies ou oser le déconfinement pour sauver leurs économies.