Le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Fatih Birol, a ouvertement critiqué le rôle de l'Arabie Saoudite et de la Russie dans la chute actuelle des cours du pétrole. Dans un entretien au journal français Les Echos paru mercredi, Fatih Birol a estimé que "l'histoire les jugera". Pour le directeur de l'AIE, l'Arabie Saoudite, qui a choisi d'inonder le marché en dépit de l'effondrement de la demande avec la pandémie du nouveau coronavirus, "se fait du mal à elle-même en faisant chuter les cours" mais agit pour "des considérations politiques et diplomatiques". La Russie, qui a refusé de nouveaux accords avec l'Opep pour limiter leur production, joue pour sa part un "jeu de roulette russe" pour terrasser la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis, mais "cela ne marchera pas", selon Fatih Birol. Pour sortir de la crise, Fatih Birol voit soit "une relance économique généralisée après la pandémie" pour soutenir la demande, soit un accord des grands pays producteurs pour "stabiliser la production". Jeudi, lors d'une téléconférence, le directeur de l'AIE est revenu à la charge en faisant état de sombres perspectives pour la demande en or noir avec une éventuelle chute de 20% de la demande mondiale de pétrole. "Aujourd'hui, trois milliards de personnes dans le monde sont confinées. En conséquence, on pourrait bien assister au cours de cette année à une chute de la demande d'environ 20 millions de barils par jour selon certains", a-t-il indiqué. La demande pétrolière mondiale représentait 100 millions de barils par jour en 2019. Mais, a-t-il ajouté, malgré cette chute attendue de la demande, l'offre globale de brut pourrait augmenter de trois millions de bpj supplémentaires en raison de la guerre des prix en cours entre l'Arabie Saoudite et la Russie. À ce titre, il a précisé que la chute de la demande pourrait rapidement aboutir à une saturation des capacités mondiales de stockage de brut. Ce qui est en train de se produire. En effet, le surplus de pétrole pousse les capacités de stockage à leurs limites. "Nous savions que la poussée de la production de la part des membres de l'Opep allait mettre la pression sur les stocks de pétrole brut", a expliqué Olivier Jakob, de Petromatrix, "mais ce phénomène s'est clairement accéléré la semaine dernière avec la demande qui s'écroule". Les stocks actuels de pétrole brut à terre et dans les navires "dépassent le précédent pic atteint début 2017", ont constaté les analystes de Kpler dans une note publiée lundi 23 mars, "et ces stocks continuent de croître". Entre l'offre pléthorique et la demande anéantie, le surplus de pétrole mondial "pourrait atteindre 10,6 millions de barils par jour au deuxième trimestre", selon les calculs des analystes de la banque RBC, soit sur la période près d'un milliard de nouveaux barils à stocker, de quoi "s'approcher des limites (de stockage) en fin d'année ou début 2021". En attendant, les prix du pétrole ne parviennent pas à se relever de leur rechute. Hier vers 11h40 (heure algérienne), le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai valait 25,98 dollars à Londres, en baisse de 1,37% par rapport à la clôture de jeudi. À New York, le baril américain de WTI pour mai gagnait 0,62%, à 22,74 dollars.