Il existe une citation qui dit que « l'homme commence par être un tube digestif, ensuite, parfois, un cerveau ». Le raccourci, loin d'être une méprise de l'esprit, n'a pas seulement une connotation négative, bien au contraire. Il a le mérite d'imager des situations que l'on rencontre fréquemment dans notre quotidien. Personne ne peut contredire cette vérité qui fait que nos différents événements, religieux ou autres, se résument, chez nous, le plus souvent, sur le contenu de la table à manger. Les menus sont décortiqués dans toutes les discussions, alors que le porte-monnaie est mis à rude contribution. Le côté festif, le spectacle et la joie devant être le clou d'une rencontre ou d'une soirée, se retrouve relégué au second plan. Même pour les veillées mortuaires, il faut s'assurer que le menu ne manque de rien. Le mois de Ramadhan arrive dans une semaine. Sa venue, comme toutes les précédentes années d'ailleurs, a fait l'objet de toute une série de préparatifs où l'aspect consommation a pris le pas sur le côté religieux et même culturel. L'abstinence alimentaire durant cette période exigée par les préceptes de l'Islam ne semble plus avoir sa raison d'être tant la mobilisation du gouvernement et autres associations pour assurer les meilleures conditions de la table de Ramadhan devient une action prioritaire. Les programmes d'importation des produits de large consommation, la disponibilité des denrées alimentaires, les contrôles de la qualité et des prix, la « température » à travers les marchés des fruits et légumes constituent généralement les grands axes de travail et une préoccupation permanente de plusieurs responsables et à plusieurs niveaux. Il y a même eu la tenue d'un Conseil des ministres sur le sujet, au cours duquel le président de la République a instruit le gouvernement de prendre toutes les dispositions nécessaires afin de réguler l'approvisionnement du marché en produits de large consommation et de « lutter contre la spéculation sur les prix et le non-respect de l'hygiène » pendant ce mois de piété. C'est dire l'importance accordée au chapitre de la consommation en cette période précise. Force est de reconnaître aussi que le mois sacré de Ramadhan s'éloigne de son aspect culturel qui faisait son charme. Peu de décisions sont prises dans ce sens, mais là ce n'est que le reflet d'un vide que, conjoncturellement, l'on tente de combler par des replâtrages que l'on désigne, vulgairement d'ailleurs, par animation culturelle. Dans une semaine reviendra inévitablement l'inflation, la spéculation et l'anarchie dans les marchés que ramène avec lui le mois de Ramadhan. L'Algérien sera seul face à la loi de l'offre, en attendant d'autres promesses pour remplir sa table. Semble-t-il « quand le ventre est plein », ce dernier dit à la tête de « chanter ». La traduction de cet adage populaire est approximative, mais s'adapte à une situation de priorité qui est certainement juste, mais pas forcément unique.