Le PNR plaide pour une position considérant la République sahraouie et la République du Rif comme les deux dernières colonies en Afrique    Tlemcen: deux artistes d'Algérie et du Pakistan lauréats du concours international de la miniature et de l'enluminure    Décès du journaliste Mohamed Smaïn: la Direction générale de la communication à la Présidence de la République présente ses condoléances    Foot/Ligue 1 Mobilis (10e journée): l'ES Sétif se rapproche du peloton de tête    Le ministère de l'Intérieur lance une campagne nationale de sensibilisation pour accompagner l'opération d'installation de détecteurs de monoxyde de carbone    Energie et Mines : Arkab reçoit une délégation du Réseau parlementaire des jeunes    Foot/Ligue 2 amateur (11e journée): le MB Rouissat accroché à Batna, le RC Kouba rejoint Tiaret à la deuxième place    Le Front El Moustakbal appelle à la mobilisation nationale pour relever les défis auxquels l'Algérie est confrontée    Bourse: Le projet de la nouvelle loi sur le marché financier en cours d'étude    Kayak/Para-Canoë - Championnats arabes 2024(1re journée): l'Algérien Brahim Guendouz en or    Alger: tirage au sort pour le quota supplémentaire des livrets Hadj    Mandats d'arrêt contre deux responsables sionistes: Erdogan salue une décision "courageuse"    Nâama: colloque sur "Le rôle des institutions spécialisées dans la promotion de la langue arabe"    Mouloudji effectue une sortie nocturne à Alger pour s'enquérir de l'opération de prise en charge des sans-abri    Cisjordanie occupée: au moins 15 Palestiniens arrêtés en 24 heures par les forces d'occupation    Salon international des dattes: une diversité de variétés au cœur du terroir algérien    Oran: décès du journaliste Mohamed Smain    Maintenir la dynamique du travail effectué pour bien préparer la CAN-2025    Rafael Nadal, le tout jeune retraité    US Biskra : Séparation à l'amiable avec l'entraîneur Zeghdoud    Plus de 1.4 million de personnes déplacées    Prison ferme pour un homme qui avait menacé d'incendier des mosquées    «L'Occident cherche l'escalade» selon Sergueï Lavrov    Importante caravane de solidarité en faveur des enfants nécessiteux et des personnes âgées    Réhabilitation du réseau d'éclairage public à la cité    1 kg de kif traité saisi, 01 suspect arrêté    Production prévisionnelle de plus de 1,8 million de litres d'huile d'olive    L'importance de la numérisation du domaine notarial soulignée    Les impacts des tensions géostratégiques au Moyen-Orient Iran/Israël et les facteurs déterminants du cours des hydrocarbures    Action en justice contre Kamel Daoud    La 4e édition du 25 au 29 novembre à Alger    Plus de 4 millions de visiteurs    Nécessité de renforcer la coopération entre les Etats membres et d'intensifier le soutien pour atteindre les objectifs    L'ANP est intransigeante !    Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    «Dynamiser les investissements pour un développement global»    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Correspondances avec le grand écrivain Mohammed Dib : La peine et le regret
Publié dans El Watan le 12 - 05 - 2020

Ce 2 mai 2003, j'avais reçu la nouvelle de la mort de Mohammed Dib avec beaucoup de peine et un immense regret. La peine, évidemment, de la disparition d'un des grands écrivains de ce temps. Le regret de ne jamais l'avoir rencontré en personne.
J'ai eu la très grande chance d'échanger quelques lettres avec lui. J'avais pris l'habitude de lui envoyer mes livres lors de leur parution. Et lui, qui était la générosité même, y répondait immédiatement avec l'indulgence que tout le monde lui connaissait. Il m'avait, en quelque sorte, adoubé en tant qu'écrivain.
Sa dernière lettre faisait suite à l'envoi de mes Chroniques de l'Algérie amère parues quelques mois avant sa mort. Il m'écrivait qu'il ne se sentait pas très bien. Je m'étais promis de vaincre la timidité que j'éprouvais à le déranger et d'aller lui rendre visite. Sa mort ne m'en avait pas laissé le temps. C'est cela le regret, si répandu par ailleurs : on ne dit jamais à temps à ceux qu'on aime qu'on les aime. L'Algérie est un pays cruel qui ne rend hommage à ses grands hommes qu'une fois qu'ils sont morts.
Mohammed Dib n'a pas échappé à cette règle. Le jour de son enterrement, des bureaucrates ignares, des hommes politiques opportunistes avaient osé bavasser autour de son cercueil, déclarant, blablabla, que l'Algérie avait perdu un génie, et puis, le lendemain même, étaient retournés à leurs petites opérations sans envergure.
Mais là n'est pas l'essentiel. L'essentiel est la peine profonde qui est la mienne, et celle de tant d'autres lecteurs, d'avoir vu s'arrêter l'une des sources créatrices les plus talentueuses, prolifiques depuis le milieu du siècle précédent. En ce sens, Mohammed Dib était, d'une part, l'un des écrivains les plus «vieux» d'Algérie, et aussi, paradoxalement, l'un des plus jeunes, en termes de vitalité et d'audace ! Quel chemin parcouru depuis l'extraordinaire Grande maison au surprenant Enfant Jazz, qui venait d'être couronné par un prestigieux prix littéraire.
Que de diversité, que d'expériences littéraires tentées, que de talent à chaque fois remis en jeu ! Merci, cher Mohammed Dib, de cette grande leçon de courage et d'optimisme. Merci pour l'admiration que nous vous portons toujours, nous, vos innombrables lecteurs à travers le monde. Voilà quelques exemples de cette correspondance, si démonstratrice de cette profonde générosité de Mohammed Dib envers de plus jeunes confrères. J'y ai inclus un extrait d'un article où il analyse avec causticité la manière dont la critique française peut accueillir des ouvrages écrits par des auteurs algériens.
1)- La Celle-Saint-Cloud,
8 octobre 1998 : Cher Anouar Benmalek
Les Amants désunis est un livre fort, qui rejettera dans l'oubli tous ceux qui, sur notre tragédie, poussent et foisonnent comme autant de mauvaises herbes. Vous avez osé y aborder de front quelque chose qui dépasse l'entendement et nous laisse pantelants d'horreur, mais cela pour faire véritablement œuvre de romancier et non d'opportuniste qui tirerait indécemment parti d'une actualité.
Les Algériens ne sauraient que vous en être reconnaissants, comme je le suis ; ils peuvent rendre hommage à votre honnêteté, votre sérieux, voir dans votre admirable texte l'épopée que nous appelions de tous nos vœux, le monument qui perpétuera dans nos mémoires le souvenir des innocentes victimes d'un génocide satanique. Grâces vous soient rendues pour cela. Ne doutez pas que votre roman rencontrera un profond écho dans le cœur de chaque lecteur, que celui-ci soit Algérien ou non. Merci de me l'avoir envoyé, c'est fort aimable de votre part, et merci de la dédicace. Bien à vous. Mohammed Dib.
2)- Extrait d'article de janvier 1999 : La Quinzaine Littéraire
Depuis une cinquantaine d'années que je publie, des romans en particulier, les sollicitations à en débattre ne m'ont jamais laissé indifférent. J'y ai déféré sous diverses formes […] Aujourd'hui, pour la première fois, l'idée m'est venue d'interpeller à mon tour les critiques, expressément, dans l'Arbre à dires, mon dernier livre, paru il y a peu. Ma question ? Toute simple et ne pouvant, m'a-t-il semblé, laisser insensibles les cow-boys de la littérature, était : qu'est-ce qu'écrire en français quand on n'est pas né dans cette langue ? […] Et que croyez-vous qu'il soit arrivé ? Rien. Pas une réponse. J'ai parlé dans un désert. Un silence à réveiller les morts, inquiets de savoir ce qui se passe au-dessus d'eux. J'ai invité la critique à prendre part à cette discussion, parce que, désormais, elle ne peut plus esquiver la présence d'écrivains algériens et maghrébins, chez les éditeurs, aux devantures des librairies, dans le public, à travers les médias, les symposiums, les cours des universités françaises et étrangères, — et pour qu'elle cesse de ne faire que de la pâle copie à leur sujet […] Mais cette aphasie de l'oreille, qu'est-ce : peur ou mépris ? […] Il y a bien sûr l'universalité du mépris voué aux Algériens.
Il est compréhensible que cette détestation s'étende aux écrivains algériens. Dès lors, quoi de plus concevable que ce mutisme comme façon de leur cracher poliment à la figure […]. Venons-en maintenant à l'exception du critique qui, lui, dit tout haut ce que d'autres pensent tout bas. Dans une toute récente livraison du Nouvel Observateur, M. Dominique Fernandez commence de la sorte son compte-rendu d'un roman qui a pour auteur un certain Anouar Benmalek, Algérien : «Encore l'Algérie ? Oui, encore l'Algérie, encore un écrivain algérien ». M. Fernandez est trop honnête homme pour s'écrier ensuite : Merde, à la fin ! Mais il poursuit en se pinçant le nez : «Poussière, saleté, excréments, brutalités, crimes, exécutions, charniers : il n'est question que de cela.» Voilà ce qui s'appelle de la critique ! Fortement pensée, profondément compréhensible. Je concède à M. Fernandez que le livre d'Anouar Benmalek est râpeux, mais parce qu'il est hérissé des rugosités de la vraie vie, ce que vous chercheriez en vain dans les romans de M. Fernandez. Peut-être auraient-elles dû, les Editions Calmann-Lévy, prendre l'avis de M. Fernandez avant de se risquer à publier Les Amants désunis d'Anouar Benmalek, et aussi Les dames du Fémina avant d'inscrire cette même œuvre dans leur sélection. Parler de corde dans la maison d'un pendu, on a le sentiment qu'il y a de cela dans cette affaire.
3) La Celle-Saint-Cloud, 28 janvier 2000 : Bien cher Anouar Benmalek
Merveilleux roman que L'enfant du peuple ancien ! Bravo, bravo. Avec ce livre, tu te hausses au niveau d'un Joseph Conrad, qui a écrit son Lord Jim à l'âge que tu as aujourd'hui. Et bon sang, cette façon de nous sortir de la ghettoïsation de la littérature maghrébine comme de conchier ces minables histoires d'identité, quel panache ! Merci. Et de même pour la dédicace. S'il t'arrive de prendre des vacances et que ça te dit de venir (en famille) passer quelques jours dans les Ardennes, cet été :
adresse : téléphone :
Nous aurons des tas de choses à nous raconter, j'en suis sûr.
De tout cœur, Mohmamed Dib.
4)– Grenade, janvier 2002 :
Bien cher Anouar Benmalek
Grand merci de tes bons vœux, royalement accompagnés de chocolat. En retour, je te prie d'accepter, pour toi et pour les tiens, 2002 bons vœux de nous deux, mon épouse et moi. Nous te garderons ta part de chocolat, mais ne tarde pas trop à venir goûter ça, sinon tu auras seulement le plaisir d'apprendre que nous les avons appréciés. Cher, crois bien, que je ne suis un inconditionnel d'un auteur, surtout algérien, que si son œuvre est à la hauteur, c'est-à-dire digne de prendre rang parmi les meilleures qui soient au monde. Mohammed Dib.
5)- 14 février 2002 :
Bien cher Anouar Benmalek
C'est un livre formidable que L'Amour Loup ! Il chie sur tout ce qui est convenu être un roman, il chie sur l'esthétique, la morale, la religion, la civilisation, pour ne s'attacher qu'à ce chien qu'est l'homme, surtout s'il est arabe, et cette chienne qu'est la vie, et pourtant, il hisse le roman à un niveau rarement atteint dans quelque littérature que ce soit au monde. Par mon turban, tu peux être fier de toi. Et tu as rudement bien fait de tirer ce roman de la fosse à purin de l'Harmattan. Mais figure-toi que, dans un premier temps, j'ai cru qu'il s'agissait du livre dont tu me disais dans ton mot d'il y a quelques jours que tu commençais tout juste à l'écrire et j'ai failli tomber sur le cul quand je l'ai reçu.
Bien à toi, cher, et que L'Amour Loup rencontre le succès qu'il mérite, amplement, Mohammed Dib.

Par Anouar Benmalek , Romancier

Note :
Livres cités dans la correspondance
Les amants désunis, roman, Ed. Calmann Lévy, 1998,
L'enfant du peuple ancien, roman, Ed. Pauvert, 2000, Paris ;
L'amour Loup, roman, Ed. Pauvert, 2002, Paris
Chroniques de l'Algérie amère, Ed. Pauvert, 2003, Paris.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.