Le cauchemar des Russes est visiblement loin de connaître son épilogue. Moscou, avec ses 11 millions d'habitants, est toujours recouverte d'une épaisse fumée noirâtre, dégagée par une cinquantaine de feux qui continuent à ravager sa banlieue immédiate. La canicule persistance (le mercure atteint parfois les 44°) fait d'ailleurs craindre une catastrophe sanitaire majeure. Sous l'effet combiné de la fumée, des concentrations en toxiques et des températures caniculaires, le taux de mortalité aurait doublé dans cette ville, que la population a commencé à déserter depuis vendredi dernier. Les autorités russes refusent cependant d'évoquer ouvertement la question. Celles-ci craignent, par ailleurs, une poussée d'épidémies, notamment l'apparition du choléra, en raison des fortes chaleurs qui frappent le pays, a déclaré hier le chef des services sanitaires, Guennadi Onichtchenko. Selon M. Onichtchenko, les services sanitaires ont « renforcé le contrôle des maladies infectieuses » en raison de signes comme la multiplication des cas de gastro-entérite aiguë et la détérioration de la qualité de l'eau dans 52 des 83 régions russes. « Nous craignons l'importation du choléra en provenance de l'Asie du Sud-Est, du Pakistan, où la situation n'est pas bonne », a déclaré M. Onichtchenko, cité par l'agence Interfax. Un responsable de l'ONU a, en effet, estimé hier que les pires inondations de l'histoire du Pakistan, qui ont fait quelque 13,8 millions de sinistrés, dépassaient par leur ampleur le tsunami de 2004 en Asie. Celles-ci ont tué au moins 1600 personnes en deux semaines et plongé le Pakistan dans une situation sanitaire des plus catastrophiques. C'est le cas aussi en Inde et en Chine où des inondations d'une rare violence ont fait des centaines de morts. La canicule, qui sévit en Russie depuis début juillet, est la pire « en 1000 ans » et depuis la fondation du pays, a affirmé hier Alexandre Frolov, directeur des services météorologiques russes. « Ni nous ni nos ancêtres n'ont été témoins d'un tel phénomène en 1000 ans, depuis la fondation de notre pays », a déclaré ce responsable à un journaliste de la télévision publique. « C'est un phénomène unique qui ne trouve pas d'antécédent dans les archives », a-t-il ajouté. Sur le terrain, la situation reste des plus préoccupantes dans la mesure où les incendies ont progressé dans beaucoup de régions abritant des sites nucléaires. Les autorités russes ont d'ailleurs décrété ; hier ; l'état d'urgence autour du centre de retraitement et de stockage de déchets nucléaires de Maïak, dans l'Oural, en raison de la propagation des incendies dans cette zone. Poutine sollicite l'aide de l'Italie et de la France Le centre de retraitement se trouve dans la région de Tcheliabinsk, dans l'Oural, à 2000 km à l'est de Moscou. Le complexe Maïak avait été en 1957 le lieu d'une des principales catastrophes nucléaires en Union soviétique, lors du rejet accidentel de déchets nucléaires liquides qui avait touché 260 000 personnes et nécessité l'évacuation de plusieurs localités dans la région. L'usine Maïak est capable de retraiter 400 tonnes de combustibles par an. Plusieurs autres installations nucléaires russes sont dans des zones dites à risque. Afin de parer à toute éventualité, le ministre russe des Situations d'urgence, Sergueï Choïgou, a demandé dimanche à ses services de travailler 24 heures sur 24 pour éteindre un incendie sur 7 ha autour d'un centre nucléaire à Snejinsk (Oural, 1500 km à l'est de Moscou). Ce centre élabore des armes nucléaires. Quant au centre nucléaire de Sarov (région de Nijni-Novgorod, 500 km à l'est de Moscou), également chargé de l'élaboration d'armes nucléaires, « la surveillance se poursuit sur 4 zones où la possibilité d'incendie subsiste », a indiqué Sergueï Novikov, porte-parole de l'agence de l'énergie atomique Rosatom. A souligner que les incendies de forêt qui font rage en Russie depuis fin juillet ravagent toujours près de 200 000 ha dans le pays et ont fait officiellement 52 morts. Ces feux ont poussé, en outre, plus de 4000 personnes à fuir leurs demeures et dévasté des dizaines de villages. Compte tenu de son incapacité à venir seul à bout des 550 foyers d'incendie qui ravagent le pays et devant le mécontentement grandissant de la population, le gouvernement russe a fini par accepter les renforts internationaux. L'Italie a déjà envoyé deux canadairs, tandis que trois experts anti-incendie français étaient attendus hier à Moscou. La France va également dépêcher sur place 120 hommes, 37 véhicules et un avion bombardier Dash. 30 000 masques seront aussi distribués à la population menacée d'asphyxie. Agences, Z. C.