La personnalité de Hocine Senouci est tellement riche qu'il est très difficile d'en appréhender tous les aspects. Sa double culture issue de sa formation de medersien(*) et enrichie par sa grande curiosité d'homme avide de connaissances lui permettait d'intervenir avec beaucoup d'aisance sur de nombreux sujets, au grand étonnement et admiration des personnes présentes. Doté d'une mémoire phénoménale, il pouvait déclamer des poèmes dans les deux langues comme il pouvait citer les grands penseurs, aussi bien musulmans qu'occidentaux ou asiatiques. Hocine le mélomane était aussi capable d'identifier le morceau de musique et son auteur. C'est lui qui a permis et encouragé toutes les formes et expressions musicales lors du grand moment de sa gestion de l'Office Riad El-Feth (Oref) dans les années 1980. Jamais la capitale n'avait connu autant de richesses et de foisonnements culturels que pendant cette période. Citons la grandiose Fête de la jeunesse en 1985 qui a vu défiler de grands noms d'artistes internationaux et nationaux et le Colloque international sur Frantz Fanon. Il avait également initié un mouvement d'échange d'artistes peintres entre les deux rives de la Méditerranée en redonnant vie à la villa Abdeltif où avaient séjourné des grands noms de la peinture. Toutes ces initiatives audacieuses pour l'époque, qui effrayaient les caciques du FLN et dérangeaient la pensée dominante, il les assumait et les défendait. Pendant la première réunion qu'il avait eue avec les interlocuteurs français à Paris dans le cadre de la préparation de l'événement culturel l'Année de l'Algérie en France, la surprise se lisait sur les partenaires français qui découvraient chez un ancien colonel une vaste culture, une grande richesse d'idées et un grand sens de l'organisation et du leadership. Lors du colloque sur Ibn Rochd, il eut une intervention remarquée pour porter une contradiction argumentée au docteur Chiban, appuyée par les philosophes invités. L'homme Hocine, ardent défenseur des artistes et des producteurs de culture, militant infatigable contre la médiocrité et promoteur d'idées d'avant-garde, est une personnalité atypique, quelque part iconoclaste en regard de l'idéologie dominante indigente promue par les idées rétrogrades et indigentes du pouvoir. Hocine ne peut pas être figé seulement dans sa carrière militaire, qui fut courte, par rapport au reste. C'est l'homme de culture ardent défenseur de l'art pétri de modernité et tourné vers l'universel qui domine chez ce grand homme qui vient de nous quitter. Nouredine B. (*) Elève de la medersa qui a donné naissance à plusieurs figures algériennes.