De mémoire de Biskri, on n'a jamais vu la marmande, cette tomate écarlate, bien en chair, appelée communément la viande du pauvre, provenant des serres de la région de Biskra, atteindre le prix exorbitant de 90 DA le kilo », répète à l'envi ce retraité à tous ceux qu'il croise, chinant entre les étals du marché central ou lors des rencontres attablées autour d'un thé à la menthe, spécialité de l'antique café de Si El Hachemi. Jeudi dernier, les discussions tournaient, on s'en doute, autour de l'incroyable flambée du prix des légumes. A 140 DA, le piment corne de gazelle est intouchable ; la courgette et les petits pois, respectivement à 100 et 90 DA le kilogramme, sont inabordables ; la carotte, les artichauts et la pomme de terre à 35 et 40 DA font figure de parents pauvres à côté de ces truffes blanches que seuls les pasteurs nomades savent où les trouver dans l'immensité des steppes et qu'une année pluvieuse a fait fructifier, disent les connaisseurs, en symbiose avec une plante du désert, véritable indice de la présence à quelques centimètres sous terre, de ces champignons ressemblant à de vieilles pommes de terre fripées et que des intermédiaires voraces vont revendre à... 400 DA le kilo. On n'est ni au premier jour du Ramadhan ni à la veille d'une fête religieuse, pourtant, comme on le voit, la mercuriale de cette semaine semble être atteinte de folie et par conséquent a donné le tournis à plus d'un consommateur. Interrogé sur la hausse inexplicable de leurs produits, les exploitants agricoles jurent que ce sont les intermédiaires, en l'occurrence les « souamaâ » qui se sucrent sur leur dos. Ces « honnêtes commerçants de gros » affirment sans crainte d'être démentis que c'est la faute aux gens de l'Ouest (nas el Gharb) qui débarquent au marché de gros d'El Ghrouss, et à n'importe quel prix, raflent tout, par camion.