La crise économique que traverse l'Algérie ravive le débat autour du ciblage des subventions des produits de première nécessité et plus généralement des aides sociales, c'est-à-dire l'utilisation de critères d'admissibilité basés sur une évaluation des revenus des ménages. L'Etat-providence, qui permet des prestations sociales universelles, doit disposer de filets de sécurité sociale très ciblés, basés sur l'estimation des revenus. La réforme du système actuel des subventions a été envisagée depuis au moins cinq ans, des annonces ayant été faites pour une adaptation progressive des subventions et des transferts sociaux à travers un ciblage précis. L'idée est de sortir du modèle généralisé et de moduler les transferts sociaux en fonction des revenus. L'objectif est ainsi de dissuader toute extension des avantages de la compensation aux riches, et de mettre fin au gaspillage multiforme qu'elle génère. Actuellement, les transferts sociaux permettent à tous les Algériens, quels que soient leurs revenus, de bénéficier d'une éducation et de soins gratuits, d'aides d'accès au logement, mais également profiter des subventions aux produits et services de base. Les transferts sociaux représentent le quart du budget de la collectivité nationale, les subventions et les aides directes représentant environ 8,4% du PIB chaque année. Si le ciblage des aides est impératif, des études empiriques sont nécessaires pour mettre les problèmes de faisabilité en lumière, car il est erroné de promouvoir le ciblage des subventions comme une panacée absolue. Pour l'heure, aucune étude ne détaille précisément les classes sociales en Algérie. De telles études permettraient de déterminer les classes aisées qui n'ont pas besoin d'aides sociales pour les en exclure. Le taux de personnes dépendant de l'aide sociale est très élevé en Algérie. La composition socio-démographique de la population compte de nombreux groupes de populations vulnérables. Les pauvres et la classe moyenne ont grandement besoin d'aides sociales. Le système actuel est dévoyé et surtout injuste, car il grève les finances publiques avec des dommages collatéraux, dont le gaspillage et la contrebande. En principe, les transferts doivent décroître à mesure que le revenu augmente, pour s'annuler à partir d'un certain seuil. Le ciblage de la pauvreté vise à améliorer l'efficacité des dépenses de redistribution, en offrant un programme de couverture au profit des démunis par le biais de versements conditionnels en espèces. Pour cela, il importe de bien identifier ceux qui en ont besoin, d'abord, et de leur servir, ensuite, les subventions. La solution réside inévitablement dans la digitalisation de la distribution des aides. Mais il faut dire que des obstacles techniques de la numérisation pèseront certainement sur la mise en œuvre des prestations. La difficulté réside dans l'absence d'outils statistiques fiables et l'activité économique informelle qui peuvent fausser la donne. La difficulté peut aussi être liée aux critères d'admissibilité complexes. Mais en dépit de toutes leurs imperfections, les programmes ciblés feront une meilleure utilisation des fonds publics.