Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Mosquée de Paris, sous la direction de son recteur et fondateur Si Kaddour Ben Ghabrit, était un lieu de résistance à l'occupation nazie et d'hébergement pour les juifs. Les Francs-tireurs partisans (FTP) de la Mosquée de Paris, des Algériens, majoritairement de Kabylie, avaient commencé, pendant l'occupation allemande, à secourir, à protéger des parachutistes anglais et à leur trouver un abri. Les FTP ont ensuite porté leur assistance à des familles juives, des familles qu'ils connaissaient, ou à la demande d'amis en les hébergeant dans l'attente que des papiers leur soient fournis pour se rendre en zone sud ou franchir la Méditerranée et rejoindre le Maghreb. Le lien se faisait par le Dr Assouline. Le Dr Assouline avait comptabilisé 1600 cartes alimentaires (une par personne) qu'il avait fournies à la Mosquée de Paris pour les juifs qui y avaient trouvé refuge. Un appel à témoins de juifs sauvés par la Mosquée de Paris entre 1942 et 1944 vient d'être lancé par les Bâtisseuses de paix, une association de femmes -juives et musulmanes - qui militent depuis l'année 2002 pour « éviter le transfert » du conflit israélo-palestinien en France. Hier soir, un dîner débat devait avoir lieu dans un restaurant parisien sur le thème de la résistance de la Mosquée de Paris à l'occupation nazie. Devaient être présents le réalisateur du film La Mosquée de Paris, une résistance oubliée, Derri Berkani, et l'historien Lucien Lazare, membre de la commission des médailles des justes parmi les nations de Yad Vashem. L'appel à témoins est destiné à recueillir des témoignages écrits. Ceux-ci sont nécessaires pour que les descendants de Si Kaddour Ben Ghabrit reçoivent en reconnaissance à l'action du recteur de la Mosquée de Paris la médaille des justes. Les Bâtisseuses de paix, dont l'objectif est de créer « un dialogue culturel basé sur le respect mutuel de chacune », affirment que « toutes les nuances identitaires et religieuses » ont place dans leur association. Elles situent leur action dans le domaine de l'éducation, en racontant leur « histoire » et en apprenant l'histoire pour, « en tant que mères, transmettre la mémoire à leurs enfants et, par là, le respect et la dignité de l'autre ». Pour relancer le dialogue entre les communautés juive et musulmane de France, les Bâtisseuses de Paix ont choisi d'aller à la rencontre des « moments positifs de l'histoire où juifs et Arabes, juifs et musulmans coexistaient pacifiquement, dans l'échange et le dialogue. La résistance de la Mosquée de Paris est un de ces moments forts », nous indique la présidente des Bâtisseuses de Paix, Annie-Paule Derzansky. Elle ajoute : « Une reconnaissance officielle de l'action de la Mosquée de Paris envers les juifs permettra de donner aux jeunes juifs et Maghrébins des repères sur leur propre histoire. » Et « notre objectif est de renouer un dialogue entre juifs, Maghrébins et musulmans vivant en France, de renouer des relations sociales qui ont existé en Afrique du Nord », nous précise Annie-Paule Derzansky. « Les retombées du problème israélo-palestinien en France ne se justifient pas. Même s'il y a un lien affectif fort, les juifs vivent en France, le voisin algérien, marocain ou tunisien n'est pas un terroriste, le voisin juif n'est pas le représentant d'un pouvoir d'occupation. » Le 5 juin prochain, l'association les Bâtisseuses de paix organise une après-midi à la mairie du 12e arrondissement de Paris consacrée au sauvetage des juifs par le monde arabo-musulman et intitulée « De Paris à Istanbul », en passant par le Maghreb.