Le gouvernement de Silvio Berlusconi a décidé de suivre le fameux adage italien « Aux maux extrêmes, les remèdes extrêmes » pour combattre le grave problème de la violence qui s'est déclarée durant cette saison sportive dans les stades de la péninsule. Le calcio italien a fait la une des journaux européens, ces derniers jours, non pas grâce au mérite des talentueux joueurs de la Squadra Azzurra (l'équipe nationale), mais plutôt à cause du comportement inacceptable de certains supporters violents qui imposent, depuis quelques années, leurs lois sur les gradins des stades de Milan ou de Rome. Un quotidien espagnol a qualifié ces derniers de « sauvages », alors qu'un journal français a parlé de « fête du football gâchée ». A l'origine de ces commentaires indignés, les incidents qui ont accompagné les deux derniers matchs, le derby entre le Milan et l'Inter au stade San Siro de Milan suspendu à la 75e minute à cause de la pluie de pétards qui s'est abattue sur le terrain, blessant le gardien du Milan, Dida, et celui disputé par les équipes ennemies de la Juventus et celle du Liverpool qui a fini dans une ambiance de véritable guérilla aux alentours du stade Les Alpes de Turin. Ces derniers épisodes de violence, qui ont transformé les stades italiens en arènes de gladiateurs, ont poussé le ministre de l'Intérieur lui-même à déclarer une guerre sans merci aux hooligans concitoyens de Del Piero. « Entre avoir un agent blessé et suspendre un match, je n'hésiterai pas une seconde à opter pour la deuxième alternative », a déclaré le chef de la police italienne. Aussitôt dit, aussitôt fait. Le ministre Giuseppe Pisanu, après s'être entretenu avec le chef du gouvernement (lui-même ex-patron de l'équipe du Milan, charge dont il a dû se libérer par des stratagèmes juridiques pour éviter le conflit d'intérêt), a émis une circulaire qui autorise, à partir de demain, le responsable de l'ordre public à intimer à l'arbitre de suspendre ou d'annuler la partie au premier projectile lancé sur le terrain de jeu. L'équipe dont le public se serait rendu coupable d'un tel geste inconséquent sera déclarée battue par le lourd score de trois buts à zéro. Même la Fédération italienne de football, longtemps critiquée pour son laxisme et son manque de rigueur lorsqu'il s'agit d'entrer en conflit avec les sociétés qui gèrent le championnat et la coupe italiens, n'a eu d'autre choix que de soutenir publiquement cette drastique procédure disciplinaire. Les peines de prison à l'encontre des agresseurs ont été alourdies ainsi que l'interdiction de fréquenter les stades. A La Gazzetta Dello Sport, le quotidien le plus vendu en Italie, Valerio Piccioni, journaliste responsable de l'édition romaine, nous trace le portrait du teppista (voyou), terme appliqué aux tifosi violents par la presse italienne. « Malheureusement, ces derniers temps, une certaine catégorie de supporters surpolitisée se rend dans les stades pour d'autres raisons que le jeu. Ces personnes prennent le contrôle des gradins, et même les médias sont dans le tort en focalisant leur attention sur ces franges les plus violentes, leur donnant le rôle de protagonistes. » Les images d'échauffourées entre les forces de l'ordre et les supporters au visage masqués, non pas pour se prémunir des gaz lacrymogènes, mais pour ne pas être identifiés par les caméras de surveillance, font désormais partie du spectacle dominical. Une moto qui galope seule sur les gradins, poussée vers le terrain de jeu, une pièce de monnaie lancée par un tireur habile qui va faire saigner le front de l'arbitre, des pétards et des feux de Bengale jetés sur le gardien de but qui s'évanouit et doit être réanimé, des projectiles de toute espèce qui finissent sur la pelouse en plein match, des joueurs agressés à la sortie des vestiaires, les chroniqueurs de la balle ronde en ont vu passer plusieurs. Et parmi les armes les plus redoutables utilisées par les marginaux des gradins destinés à galvaniser les autres supporters, les slogans. De véritables calembours, tournés dans un jeu de mots auquel seule la langue italienne se prête et qui feraient presque sourire s'il ne véhiculaient des messages à connotation régionaliste, raciste, voire nazie ou fasciste. Du jamais vu dans les annales du football européen et même mondial. Le génie créatif des Italiens aurait pu se passer de ce genre de publicité qui est en train de ternir le sport le plus populaire de la péninsule. Pourtant, les tifosi, qui ont joui d'une véritable impunité les dernières années, ne reculent plus devant rien. Les cameramen qui ont le malheur de filmer leurs exploits en savent quelque chose puisque leur caméra et même leur corps en sortent rarement indemnes. C'est pourquoi les spécialistes du calcio ne se font pas d'illusions et affirment que seule une méthode ferme, comme celle appliquée par les Anglais, portera ses fruits. « En Italie, le football représente une espèce d'Etat dans l'Etat, où les règles ne sont pas suivies. Quand éclate une affaire de violence, de charges impayées ou de tests antidoping positifs, les institutions elles-mêmes se réfugient derrière des considérations basées sur la rivalité sportive ou régionale, Rome contre Milan ou le Nord contre le Sud », nous confie, sceptique, le journaliste de La Gazzetta Dello Sport.