Un émouvant hommage à l'écrivain et dramaturge Kateb Yacine a été organisé hier au cimetière d'El Alia. Devant la tombe de Kateb Yacine, sous un ciel bleu balayé par quelques rafales de vent, souvenirs et anecdotes se sont mêlés aux revendications sociales et politiques indissociables de l'œuvre de Kateb. «Novembre, qui nous a tracé le chemin blanc de la liberté, nous interpelle», c'est par ces mots – empruntés à Mohya – que Merzoug Hamiane, comédien, ancien membre du groupe Debza a rendu hommage à son grand ami, Kateb Yacine, enterré le 1er novembre 1989. Mais le recueillement a, très vite, revêtu un caractère politique. 36 ans après sa mort, les combats menés par l'écrivain sont toujours d'actualité. L'on rappelle ainsi que Kateb disait écrire en français «pour dire aux Français qu'il n'était pas français». L'on se remémore ses questionnements par rapport à la politique d'arabisation. «Si l'Algérie n'est pas arabe, disait-il, pourquoi l'arabiser ? Si l'Algérie est arabe, pourquoi procéder à son arabisation ?». Et puis, ajoute-t-on, «la Déclaration du 1er Novembre n'a-t-elle pas été écrite en français ?». L'on se souvient que lorsqu'il a été enterré, la cérémonie s'était déroulée sans officiels. Les militants qui se reconnaissaient dans son combat et qui étaient nombreux ce jour-là pour son enterrement avaient réussi à damer le pion à la délégation officielle. «Ils ont voulu récupérer Yacine, mais Yacine était irrécupérable. Ni lui ni ses principes n'étaient négociables», dit Abdelkrim Ghezali, journaliste, ayant connu Kateb Yacine et qui se dit honoré d'être le grand père de son petit-fils – né d'un mariage de sa fille avec Amazigh Kateb – prénommé Awras. Tahar Khouas, porte-parole du comité de libération des détenus d'opinion à Tizi Ouzou, souligne que «65 ans après, Nedjma brille toujours». «KATEB YACINE TOUJOURS VIVANT» «Malgré 32 ans d'absence, déclame-t-il, Yacine est toujours présent parmi nous et en nous. Il est présent dans et par le hirak. Il est présent à chaque fois qu'on bâillonne et qu'on emprisonne un journaliste ou un militant politique. Il est présent à chaque fois qu'on brûle et qu'on emprisonne l'emblème amazigh. Il est présent tant que l'Algérienne continue de subir la loi du patriarcat institutionnalisé et rendu légal par l'infâme Code de la famille. Il est présent tant que l'arabe algérien n'a pas encore droit de cité dans son pays. Yacine est parmi nous tant que l'Algérie continue d'emprisonner le meilleur de ce qu'elle a enfanté». Et d'ajouter : «Je ne partage pas la sentence de M'hamed Issiakhem en vertu de laquelle il aurait déclaré que Yacine est le seul grand homme que possède l'Algérie. Pour moi, Yacine est le seul grand homme ''possédé'' par l'Algérie». Etait présent également Youcef Taâzibt, membre de la direction du Parti des travailleurs (PT), pour qui Kateb Yacine était «celui qui a su regrouper toutes les revendications de la Révolution algérienne : le pain, la terre, la liberté». Pour lui, Kateb Yacine est une source d'inspiration pour tous les militants, en matière de courage, de ténacité et de combativité. «Kateb Yacine n'a pas cherché le pouvoir ou les privilèges, préférant la compagnie du petit peuple. Les questions sociales ont été au cœur de son combat», précise Youcef Taaâzibt. Et de poursuivre : «Kateb Yacine ne s'est pas tu après l'indépendance, mais a toujours combattu pour la liberté à sa manière, utilisant le théâtre comme un moyen de résistance contre la pensée unique, la langue unique et la répression. Il est l'un des rares arabophones ayant défendu brillamment l'identité et la langue amazighes». L'ancien député rappelle que plus de 300 détenus politiques et d'opinion ont été jetés en prison parce qu'ils ont exercé leur droit politique ou exprimé une opinion et que les réalisations de l'indépendance et notamment les acquis sociaux sont chaque jour brisés. «Si Kateb Yacine était encore de ce monde, il ne se tairait pas comme il ne s'est pas tu du temps de Boumediène (...) Des millions d'Algériens sont sortis pour poursuivre la Révolution de Novembre, parce qu'elle n'a pas encore atteint tous ses objectifs. On a arraché l'indépendance, mais le peuple est toujours opprimé et privé de ses droits démocratiques et sociaux», dit-il en soulignant que «le meilleur moyen de lui rendre hommage est de poursuivre son combat». Il reste aussi l'œuvre de l'écrivain, magistrale, qui pour Me Haddouche Nacéra, «est indispensable pour l'épanouissement de notre société». Advertisements