La commémoration de la disparition de ce grand écrivain et dramaturge s'est faite plutôt dans le recueillement et la sobriété... «Ce qui m'a aidé à écrire cet ouvrage est le devoir de mémoire et la lutte contre l'amnésie culturelle dans notre pays», affirme Omar Mokhtar Chaâlal, auteur de Kateb Yacine, l'homme libre édité chez Casbah. C'est à une soirée particulière que personnalités du monde des arts et des lettres, amis et proches de Kateb Yacine ont été conviés mardi soir au Palais de la culture Moufdi-Zakaria de Kouba. Une veillée littéraire qui se voulait une réaffirmation plus qu'un souvenir de l'immense talent et la grandeur de cet homme qu'était Kateb Yacine, à l'occasion du 14e anniversaire de sa disparition. Pour marquer le coup, Casbah Editions a présenté deux ouvrages consacrant la vie et l'oeuvre de Kateb Yacine. L'un cité plus haut et l'autre, de Mohamed Lakhdar Maougal intitulé: Kateb Yacine, les harmonies poétiques. Ne manquant pas de rendre hommage également à Abdelhamid Benzine, journaliste et grand militant et un ami commun, Omar Mokhtar Chaâlal dira que son livre est un témoignage, réalisé à partir d'un film qui rend compte des aspects de la personnalité de Kateb Yacine. Un autre ami, celui-là et non des moindres qui a bien connu le «père de Nedjma», Ali Zamoum par ses chaleureuses et émouvantes interventions a rappelé à notre mémoire «combien le legs de Yacine est important, inestimable. Nous sommes tous des amis de Kateb Yacine, c'est la raison de notre présence ici ce soir. Par fidélité à sa mémoire, nous avons voulu nous, société civile, nous rappeler la mémoire de Kateb Yacine quatorze ans après. C'est un peu trop tard.» «On peut en parler en bien ou en mal. Se rappeler ses écrits, son combat, son itinéraire, tout cela on le fait pour nous, pas pour lui. Nous avons besoin de repères dans ce monde où nous sommes tous des angoissés. S'en rappeler, cela donne un peu de courage de poursuivre le combat», affirme Zamoum et de poursuivre: «Nous avons besoin de nous rappeler Kateb Yacine, de se serrer les coudes et d'êtres solidaires. Cet anniversaire nous a rapprochés. J'espère que les Algériens se réuniront de plus en plus chaque année pour se rappeler Kateb Yacine et sa cause juste. Il a rempli sa vie. Il nous laisse un patrimoine, un mode d'emploi, qui doit être pour nous un exemple à suivre » et de conclure sur cette méditation se revendiquer de Kateb Yacine est difficile. Il faut mériter cet attachement. Ce n'est pas de la morale.» C'est terrible. C'est lourd de se revendiquer de Kateb Yacine. Analysant l'oeuvre de Mohamed Lakhdar Maougal, l'universitaire Aïcha Kassoul en a fait une présentation pertinente. C'est d'abord un regard de lectrice marqué d'interrogations qu'elle apposera sur ce livre pour cerner le fond du sujet. D'abord un constat. «Moi quand je me mets à ma table d'écriture, je me cherche» et d'expliquer: «Maougal étant bilingue, en lisant le texte de Yacine a dû entendre des consonances arabes. Cela veut veut dire que le texte de Yacine est pétri d'arabité. L'existence d'un co-linguisme. Sous la forme imagée de la langue française se cache la langue arabe» et de confier «ce qui m'intéresse c'est non pas de revendiquer l'arabité de Kateb Yacine, car toute langue est un atout. C'est plutôt de déculpabiliser les écrivains vis-à-vis des langues». En tant que critique, Aïcha Kassoul dira qu'il faut dépasser la question de la langue. Le choix de Kateb Yacine était, ou écrire en français ou se taire. Le plus important était qu'il écrive. Son 1er rendez-vous historique à l'époque était d'écrire dans une langue où c'est le maître du discours, et d'enchaîner: «Après l'indépendance, Kateb Yacine a fait du théâtre populaire pour toucher les masses populaires. Il se devait de développer un discours en arabe, subversif. C'était là son deuxième rendez-vous avec l'histoire. Avec toujours une constante, la revendication d'une liberté». Et d'achever son «exposé», : «Le livre de Maougal nous permet de dépasser les faux problèmes de langue, car Kateb Yacine tout comme Malek Haddad ou encore Mouloud Ferraoun, n'avaient pas de problèmes d'identité. On les a plutôt culpabilisés du fait d'écrire en français». Réitérant la notion de «subversion» de la langue de Yacine, le journaliste et écrivain Mohamed Bouhamidi fera remarquer à juste titre, que ce n'est pas le gouvernement algérien qui a voulu rendre hommage à Kateb Yacine mais plutôt le gouvernement français dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France. «Ce qui démontre qu'il reste dangereux même après 14 ans, dans la lignée des révolutionnaires, non pas pour son engagement politique, sur un appareil d'Etat, mais pour son engagement sur une fidélité, un idéal». Et pour se rappeler combien l'écrivain savait manier la langue de Molière. «Ce butin de guerre», qui mieux que Youcef Sayeh et une comparse d'Alger Chaîne III pour nous lire de bonnes feuilles des poésies de Saliloques. Achevant cette cérémonie, une pétition adressée au ministère de la Culture et de la Communication fut ouverte pour donner le nom de Kateb Yacine à une structure culturelle. Le moins que l'on puisse faire... Enfin, se confiant, Ali Zamoum dira qu'il serait intéressant de savoir ce que pensait Kateb Yacine de la guerre de Libération nationale. Ali Zamoum révèle posséder plusieurs enregistrements en ce sens. Le temps de les transcrire, on espère les publier prochainement dans nos colonnes.