Une marche a eu lieu, dans la matinée d'hier, dans les rues de la ville de Tizi Ouzou pour célébrer les événements d'avril 1980. La manifestation a été organisée par la coordination locale des étudiants. Près de quatre mille manifestants y ont pris part, selon les estimations de la police, alors que les organisateurs n'ont pas voulu donner de chiffres. En tout cas, cela fait des mois que les rues de Tizi Ouzou n'avaient pas vibré au rythme des marcheurs. Au début de la matinée, les manifestants se sont retrouvés dans l'enceinte de l'université Mouloud Mammeri, point de départ de la marche. De petits carrés, constitués en majorité d'étudiants, ont commencé à se constituer peu après 10h et ont pris la direction du centre-ville. Rappelons que la marche a été soutenue par le RCD et le MCB (tendance présidée par Mouloud Lounaouci). Un carré entier (le plus dense) était constitué d'ailleurs de cadres du RCD, dont Saïd Sadi, d'anciens députés et d'élus locaux du parti. Des slogans traditionnels hostiles au Pouvoir ont été criés tout au long de la marche qui s'est étalée sur près de 4 km (le point d'arrivée étant l'université même). Sur les banderoles, on pouvait lire des slogans revendiquant la démocratie et la liberté d'expression. « Pour les libertés syndicales », « Plus de moyens pour l'université », « Libérez les journalistes » ont été les principales revendications inscrites sur les calicots. A cette marche, se sont joints également l'aile des archs antidialoguiste, les « neutres », comme les coordinations de Ouacifs et d'At Zmenzer, qui posent la réunification des rangs des délégués des archs comme préalable à toute action du mouvement citoyen. La marche, qui a duré près de 3 heures, s'est déroulée sans aucun incident. Les services de police se sont retirés de la voie publique. Certains marcheurs ont scandé des slogans contre Abrika que certains d'autres n'ont pas hésité à qualifier de « traître ». Comme pour narguer les partis politiques, une banderole géante est accrochée sur une clôture du quartier Les Genêts. Elle annonce : « La seule force de protestation est le arch. » Un étudiant, membre du comité d'organisation, désorienté par la crise de mobilisation, exprime sa déception : « Nous avons fait appel à cette marche pour réhabiliter les idéaux du printemps berbère que sont les libertés, l'union, la démocratie, la reconnaissance de l'identité amazighe. Au fil des jours, nous constatons que l'esprit d'avril 1980 a déserté justement nos esprits. » Hier en fin d'après-midi, un communiqué de la Coordination locale des étudiants (CLE) a salué « la mobilisation de la communauté universitaire et de la population (...) démontrant leur attachement aux principes et fondements portés par le printemps amazigh liant combat identitaire et libertés démocratiques ». De son côté, l'aile antidialoguiste de la CADC a estimé, dans une déclaration rendue publique, qu'un « simulacre de dialogue fait de manœuvres et de manipulations est mis à nu par la population de Kabylie à travers une marche grandiose ». Le fait le plus saillant de la journée d'hier est la non-observation de la grève générale. Depuis 1980, c'est la première fois que cela se produit. Signe patent de lassitude générale. Seuls les établissements scolaires ont été désertés par les élèves.